
Article Droit du travail et de la protection sociale | 05/04/13 | 3 min. | Virginie Devos
Si l’accord national interprofessionnel du 11 janvier 2013 et son « adaptation » par le législateur mobilise toutes les attentions, il convient de ne pas perdre de vue la jurisprudence de la Cour de cassation. Le mois de février a été particulièrement porteur de nouveautés : plusieurs revirements de jurisprudence et de nouvelles solutions importantes ont été posés.
La première nouveauté résulte d’un arrêt du 6 février 2013 relatif à la rupture conventionnelle (n°11-27.000). La remise d’un exemplaire de la convention de rupture au salarié est une condition de validité de la rupture conventionnelle. Son non-respect expose donc l’employeur au versement d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ou à un risque de réintégration. Cette solution est quelque peu sévère, mais la Cour considère que cette remise garantit le libre consentement du salarié en lui permettant d’exercer son droit de rétractation en connaissance de cause. La question qui se pose est de savoir si la Cour aura une analyse aussi dure lorsqu’il a seulement été remis une copie du formulaire signé au salarié.
La deuxième nouveauté est issue de la loi du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail. L’affirmation nouvelle et majeure est posée dans un arrêt du 13 février 2013 (n°12-18.098). À l’issue des élections au sein de l’ensemble des établissements d’une même entreprise, un syndicat ne parvient pas à atteindre, au niveau de l’entreprise, le seuil fatidique des 10%, condition nécessaire pour accéder à la représentativité. Au détour d’une élection partielle au sein d’un établissement, le syndicat franchit la barre des 10% et procède à la désignation d’un délégué syndical central. Le tribunal d’instance saisi de la contestation estima que la représentativité devait être appréciée au jour de la désignation du délégué syndical, en prenant donc en compte les résultats de l’élection partielle. La Cour de cassation ne partage pas cet avis et censure le jugement par une formule forte : « la représentativité des organisations syndicales, dans un périmètre donné, est établie pour toute la durée du cycle électoral », peu important donc l’organisation d’élections partielles modifiant par la suite le score électoral.
Par ailleurs, dans cet arrêt, la Cour procède à un revirement de jurisprudence reconnaissant à un syndicat représentatif au niveau de l’entreprise la possibilité de désigner un représentant de section syndicale, « RSS » au sein des établissements distincts où il n’est pas représentatif. Par un arrêt du 10 mai 2012 (Cass. soc. 10 mai 2012 n° 11-21.144), la Cour de cassation avait estimé que la désignation d’un « RSS » était dans un tel cas impossible. Moins d’un an après, les Hauts magistrats changent radicalement leur position : le syndicat représentatif au niveau de l’entreprise ayant désigné un délégué syndical central ne peut, dans un établissement où il n’est pas représentatif, « bénéficier de moins de prérogatives que celles reconnues aux syndicats non représentatifs ». Il peut donc, comme eux, désigner un représentant de la section syndicale dans cet établissement afin de promouvoir son action et espérer obtenir un meilleur score aux prochaines élections.
Chose rare, ce revirement n’est pas isolé. On notera ainsi que la Cour abandonne le principe de non-cumul qu’elle avait posé il y a quelques années entre l’indemnité spécifique et forfaitaire pour travail dissimulé et l’indemnité conventionnelle ou légale de licenciement, seule la plus élevée des deux devant donc être allouée au salarié. Dans un arrêt rendu le 6 février 2013 (n°11-23.738), la Cour de cassation en s’appuyant sur la rédaction de l’article L. 8223-1 du Code du travail considère que l’indemnité pour travail dissimulé a la nature de sanction civile pour en déduire qu’elle peut désormais être cumulée avec les indemnités de toute nature auxquelles le salarié a droit en cas de rupture de la relation de travail.
Enfin, sur la question de la licéité de la preuve (et donc de son admissibilité), l’arrêt précité (n°11-23.738) nous enseigne logiquement que les messages téléphoniques laissés par l’employeur sur la messagerie d’un salarié sont des éléments de preuve recevables, puisqu’à l’image de SMS, l’employeur ne peut ignorer qu’ils peuvent être conservés. Plus stimulante est la solution retenue par un arrêt du 12 février 2013 (n°11-28.649), lorsqu’une clé USB appartenant au salarié est connectée à un outil informatique mis à la disposition du salarié par l’employeur pour l’exécution du contrat de travail, ce dernier peut avoir accès, hors la présence du salarié, aux fichiers non identifiés comme personnels qu’elle contient, car la clé est présumée utilisée à des fins professionnelles.
Virginie Devos - Associé