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Activisme actionnarial : l'AMF précise et fait évoluer légèrement sa doctrine

Article Private Equity Corporate - M&A | 01/04/21 | 6 min. | Jérôme Brosset Gwendoline Hong Tuan Ha

Les campagnes menées ces dernières années par des fonds activistes sur des sociétés françaises ont poussé la Place de Paris à constituer des groupes de travail afin de travailler sur des propositions d'encadrement de ces pratiques.

L'AMF a pris part à ces travaux et a publié en avril 2020 une communication sur l'activisme actionnarial[1]. L’AMF soulignait dans cette communication que l’activisme actionnarial n’appelait pas, selon elle, d’évolution majeure de la règlementation en vigueur, celle-ci relevant largement du cadre européen (au travers notamment des règlements européens sur les abus de marché, les recommandations d’investissement ou les ventes à découvert). L’AMF avait toutefois proposé plusieurs mesures afin d'améliorer la transparence du marché, de promouvoir le dialogue entre émetteurs et actionnaires, et d'accroître les capacités de réaction des émetteurs.

C’est donc en ligne avec ces réflexions, que l'AMF vient d’annoncer qu’elle modifie sa doctrine sur plusieurs points :

1. Communication des émetteurs en cours de "quiet period" en réponse à des actionnaires activistes

L’AMF a décidé d’amender le paragraphe 1.6.1 du guide de l’information permanente et de la gestion de l’information privilégiée de l’AMF (le "Guide AMF sur l'Information Permanente")[2] afin de préciser, ce qui n’était pas contesté, qu’un émetteur ne peut être privé de la possibilité de réponse dans le cas d’attaques ou déclarations d’actionnaires activistes intervenant en période d'embargo ("quiet period"), pratique de marché consistant pour un émetteur à s’abstenir d’échanger avec les analystes et investisseurs les semaines précédant l’annonce de ses résultats pour limiter le risque de divulguer une information privilégiée.  Il est désormais clair qu’un émetteur ne peut être empêché d'apporter "toute information nécessaire au marché en réponse à des déclarations ou informations publiques le mettant en cause", ce même pendant la "quiet period".

2. Caractère loyal et équitable des échanges dans le cadre des campagnes activistes

L'AMF demande également à tout investisseur qui commence une campagne activiste à l'égard d'un émetteur d'adresser sans délai à cet émetteur les projets et propositions, ainsi que l'argumentation correspondante. L’AMF préconise également que cet investisseur rende publiques ces informations afin d'assurer une bonne information du marché et une égalité des actionnaires.

Cette recommandation sera insérée dans le Guide AMF sur l'Information Permanente. L’émetteur pourra donc s’en prévaloir, quand bien même cette recommandation n’est assortie d’aucune sanction.

3. Recommandation à l’attention des gérants de fonds concernant le rapatriement, à l’occasion des assemblées générales, des titres prêtés et l’exercice effectif de leur droit de vote

Dans sa communication d'avril 2020, l'AMF notait que la pratique de gérants de fonds consistant à prêter à des fonds activistes des actions leur permettant de voter en assemblée générale était marginale. L'AMF se contente donc de rappeler aux gérants de fonds que le rapatriement ', en amont des assemblées générales, des titres prêtés et l'exercice de leurs droits de vote constitue une bonne pratique.

4. Vigilance particulière des actionnaires dans leurs déclarations en cas d’offre publique

L'AMF avait envisagé de modifier l'article 231-36 du règlement général de l'AMF[3] pour l'étendre aux actionnaires de l'initiateur de l'offre et de la société visée par l'offre. Elle indiquait notamment que "l’expérience montre, en effet, que les actionnaires, notamment activistes, peuvent exercer un rôle significatif sur le déroulement des offres publiques, de sorte qu’il paraît judicieux de soumettre leur communication, dans ce contexte précis, à une même obligation de vigilance que "les personnes concernées par l’offre" au sens du règlement général de l’AMF"

L'AMF a finalement renoncer à modifier son règlement général et a préféré insérer une recommandation dans le Guide AMF sur l'Information Permanente. Elle invite ainsi les actionnaires de l'initiateur de l'offre ou de la société visée par l'offre à faire preuve d'une vigilance particulière dans leur déclaration en période d'offre et de préoffre.

5. Recommandations sur le dialogue actionnarial

L'AMF recommande aux émetteurs d'instaurer un dialogue entre la société et les actionnaires, par l'intermédiaire, notamment d'un administrateur référent.

6. Autres propositions non retenues à ce stade

Il n’est pas fait référence aux autres propositions qui étaient intégrées dans la communication d’avril 2020 et qui auraient requis un véhicule législatif national. Ainsi, l’AMF n’évoque pas sa proposition  d’ajout d’un seuil légal de déclaration de franchissement à 3 % du capital ou des droits de vote ou l'élargissement du champ d'application de l'article L. 621-18 du code monétaire et financier[4] à tout investisseur ayant une exposition économique sur les titres d’un émetteur coté , ou  la préconisation visant à doter le régulateur d’un pouvoir d’astreinte en matière d’injonction administrative (par modification de l’article L.621-14 du code monétaire et financier). Il n’est pas non plus fait référence aux chantiers de niveau européen auxquels il était fait référence dans la communication d’avril 2020 (par exemple, les demandes de précision qui devaient être demandées par l’AMF à l’ESMA et à la Commission européenne concernant le régime des recommandations d’investissement).
 

[2] Guide de l'information permanente et de la gestion de l'information privilégiée (Position - Recommandation DOC-2016-08)

[3] Les personnes concernées par l'offre, leurs dirigeants et leurs conseils doivent faire preuve d'une vigilance particulière dans leurs déclarations.

Les communications à caractère promotionnel, quels que soient leur forme et leur mode de diffusion, sont communiquées à l'AMF préalablement à leur diffusion.

Ces communications doivent :

1. Annoncer qu'une note d'information ou une note en réponse a été ou sera publiée et indiquer où les investisseurs peuvent ou pourront se la procurer ;
2. Être clairement reconnaissables en tant que telles ;
3. Ne pas comporter d'indications de nature à induire le public en erreur ou susceptibles de jeter le discrédit sur l'initiateur de l'offre ou la société visée par l'offre ;
4. Être cohérentes avec les informations contenues dans les communiqués, la note d'information ou la note en réponse ;
5. Le cas échéant, comporter, à la demande de l'AMF, un avertissement sur certaines caractéristiques exceptionnelles de l'initiateur, de la société visée ou des instruments financiers qui font l'objet de l'offre.


Les dispositions du présent article s'appliquent également pendant la période de préoffre.

[4] "[…] [l'AMF] peut ordonner à ces émetteurs de procéder à des publications rectificatives ou complémentaires dans le cas où des inexactitudes ou des omissions auraient été relevées dans les documents publiés. Faute pour les émetteurs concernés de déférer à cette injonction, l'Autorité des marchés financiers peut, après avoir entendu l'émetteur, procéder elle-même à ces publications rectificatives ou complémentaires."

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