News

retour

Décision historique d’un tribunal chinois : des images générées par IA protégées par le droit d’auteur

Article Droit de la propriété intellectuelle, média et art | 08/12/23 | 4 min. | Pierre Pérot Inès Bouzayen

Tech & Digital

Le 27 novembre 2023, le Beijing Internet Court, tribunal chinois spécialisé dans la résolution des procédures liées à Internet, vient de rendre une décision, accordant une protection par le droit d'auteur à une œuvre d'art générée par intelligence artificielle.

Le Beijing Internet Court a rendu une décision historique en reconnaissant une protection par le droit d'auteur à une œuvre d'art générée à l'aide d'une intelligence artificielle (« IA »). Cette décision correspond à la première décision connue rendue en ce sens par un tribunal judiciaire dans le monde.

En effet, plusieurs décisions avaient déjà été rendues à l’étranger en matière d’œuvres générées ou créées à l’aide d’un outil d’IA, jusqu’à présent défavorables aux auteurs des œuvres en question. On pense notamment à la décision de l’U.S. Copyright Office au sujet d’une demande de copyright de Kristina Kashtanova sur la bande dessinée Zarya of the Dawn dont les images avaient été générées par IA, ou encore la décision du Colombia District Court confirmant le refus d’enregistrement de l’œuvre intégralement générée par IA, A Recent Entrance to Paradise. Dans ces décisions, le refus de protection par le droit d’auteur était justifié par l’absence d’intervention humaine suffisante.

L’affaire soumise à la Beijing Internet Court concernait une action en contrefaçon intentée par le créateur d’une image générée par Stable Diffusion, outil d’IA permettant de générer des contenus graphiques à partir de requêtes (ou « prompts »).

L’image ainsi créée avait ensuite été reprise par le défendeur pour illustrer un poème publié sur la plateforme de partage de contenus Baijiahao, ce qui a conduit le créateur de l’image à introduire une action en contrefaçon de droit d’auteur.

En réplique, le défendeur a contesté la titularité des droits du demandeur sur l’image, contraignant ce dernier à apporter des éléments justifiant le processus créatif de l’œuvre en question et les droits d’auteur invoqués.

Au regard de la précision des « prompts » ayant donné lieu à l’image invoquée, tant concernant le personnage principal que le décor l’accompagnant, le tribunal a jugé que le demandeur justifiait d’investissements intellectuels suffisants permettant de caractériser la titularité d’un droit d’auteur sur les œuvres. Le tribunal a, par ailleurs, souligné que, bien que le système d’IA générative ait participé à la création de l’image, le développeur de cet outil ne pouvait être considéré comme l’auteur dans la mesure où celui-ci n’avait aucune intention de créer l’image en question.

Cette décision du Beijing Internet Court marque une étape significative dans la protection par le droit d'auteur des œuvres créées à l’aide d’un système d‘IA générative. L’IA est ainsi assimilée à un simple outil technique qui accompagne la création humaine, à l’instar d’un appareil photographique avec lequel le tribunal fait une comparaison.

Cette décision, première du genre, ne bouscule pas les principes que l’on peut connaître en matière de droit d’auteur, mais les applique à l’IA générative de manière particulièrement pragmatique.

Le tribunal a, en effet, insisté sur le rôle actif prépondérant de l’auteur lors de la création de l’image justifiant la caractérisation « d’investissements intellectuels » importants que l’on pourrait assimiler à « l’empreinte de la personnalité de l’auteur » également requise pour la reconnaissance du droit d’auteur en France.

De même, si l’U.S. Copyright Office et le Colombia District Court ont refusé la protection par le droit d’auteur des œuvres en cause dans les affaires précitées, c’était en raison du caractère mineur du rôle de l’utilisateur de l’IA dans la génération des images. Il n’est pas impossible que ces juridictions viennent à protéger certains contenus générés par l’IA dans le cas où l’auteur serait en mesure de démontrer sa participation dans l’ensemble du processus créatif et l’empreinte de sa personnalité au sein du contenu généré.

Dans un contexte d’incertitude règlementaire quant au statut des contenus générés par l’IA, cette décision chinoise apporte une pierre supplémentaire à l’édifice jurisprudentiel en pleine construction, confortant les auteurs et les entreprises créatives sur leur capacité à protéger et valoriser ce nouveau type de contenus.

Les auteurs tiennent à remercier Arthur Samier, stagiaire au sein du département IP/IT, pour son aide dans la rédaction de l’article.

Explorez notre collection de documents PDF et enrichissez vos connaissances dès maintenant !
[[ typeof errors.company === 'string' ? errors.company : errors.company[0] ]]
[[ typeof errors.email === 'string' ? errors.email : errors.email[0] ]]
L'email a été ajouté correctement