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Successions internationales : du nouveau depuis le 17 août 2015

Article Private Equity Gestion patrimoniale Droit fiscal | 03/06/16 | 5 min. | Xavier Rohmer

Depuis le 17 août 2015, les successions ouvertes à compter de cette date sont encadrées par le Règlement Européen n°650/2012 du 4 juillet 2012 (ci-après « RE ») adopté par les États membres de l’Union européenne (excepté le Danemark, le Royaume-Uni et l’Irlande) et ayant pour vocation d’unifier et de simplifier le règlement des successions internationales.

De l’ancien morcellement du traitement civil des successions internationales
Avant l’entrée en vigueur du RE, de nombreuses difficultés pouvaient surgir dans le cadre des successions internationales en raison de la diversité des règles successorales nationales.
Au regard du droit interne, lorsque la succession présentait un lien avec la France, soit que le défunt y avait eu son dernier domicile ou qu’il y avait possédé des biens, il convenait de distinguer les biens immobiliers, soumis à la loi du lieu de situation du bien, des autres biens mobiliers qui étaient soumis à la loi du dernier domicile du défunt.
Outre la difficulté préalable de qualification juridique de la nature mobilière ou immobilière du bien, un conflit avec la loi successorale étrangère pouvait être quasiment impossible à résoudre lorsque cette dernière était incompatible avec la loi française.

Vers la consécration d’une unité : le lieu de résidence habituelle par principe
Le RE met fin à la concurrence des différentes lois successorales civiles des États membres concernés. Le RE simplifie le traitement des successions en instaurant un critère unique pour déterminer la juridiction compétente et la loi civile applicable, il s’agit du lieu de « résidence habituelle » du défunt au moment de son décès.

Ainsi, une personne de nationalité française, résidant habituellement au Portugal, verra l’ensemble de sa succession réglée au moment de son décès selon la loi successorale portugaise et cela quel que soit la nature et le lieu de situation des biens lui appartenant.

Lorsque la résidence habituelle du défunt est difficile à établir, notamment dans le cas d’expatriés qui vivent de façon alternée dans plusieurs États (sans se fixer dans aucun) ou encore de la personne qui décède peu après son expatriation, la loi applicable sera celle de l’État présentant « des liens manifestement plus étroits » avec le défunt.

Par exception : l’option pour la loi de la nationalité
Dans un souci de gérer au mieux les successions et d’assurer le maintien de la même loi successorale applicable quel que soit le lieu de résidence du défunt au moment de son décès, le RE permet de choisir, la loi successorale applicable à sa succession en optant par préférence pour la loi de sa nationalité. Cette « professio juris » ne peut toutefois être que celle de l’État dont le défunt possède la nationalité.

Ainsi, une personne ayant la nationalité française, résidant habituellement au Portugal, pourra voir l’ensemble de sa succession régie par la loi française en fonction de son choix formulé de manière expresse, à cause de mort, par testament. À défaut d’avoir opté pour la loi de sa nationalité, sa succession sera soumise en intégralité à la loi portugaise selon le critère unique de résidence habituelle du défunt au moment de son décès.

Cette possibilité de choisir sa loi nationale pourrait alors permettre aux personnes disposant d’une autre nationalité de déroger à certaines dispositions contraignantes du droit français telles que la réserve héréditaire, la quotité disponible, la prohibition des pactes d’attribution de succession future, le rapport et la réduction des libéralités lors du calcul des parts bénéficiaires, etc. A contrario, cette faculté pourrait également permettre aux citoyens français qui s’expatrient à l’étranger de s’assurer de l’application de dispositions françaises plus protectrices au jour de leur décès.

La mise en place d’un Certificat successoral européen
Dans le cadre d’une volonté de simplification, le RE crée également le Certificat successoral européen qui permettra de produire ses effets dans tous les États membres sans qu’il soit nécessaire de recourir à une procédure d’apostille (formalité administrative préalable à la reconnaissance d’un acte étranger) et qui, sans se substituer aux documents internes de notoriété, permet de prouver la qualité et/ou les droits de chaque héritier, l’attribution d’un bien déterminé à un héritier ou encore les pouvoirs de l’exécuteur testamentaire.

Une nécessaire incidence sur la fiscalité des successions
Ce RE ne s’applique toutefois pas aux « matières fiscales, douanières et administratives ». À cet égard, il convient de ne pas confondre la loi civile successorale et la loi fiscale applicable à la succession. Certains États membres de l’Union européenne ne prélèvent aucune taxe en cas de décès. La France n’a d’ailleurs pas conclu de conventions fiscales concernant les droits de succession avec tous les États membres. Par ailleurs, le traité avec la Suisse a été dénoncé le 17 juin 2014 avec effet au 31 décembre 2014.

En l’absence de convention internationale signée, la France appliquera donc l’article 750 ter du CGI reposant sur un principe de territorialité prévoyant que lorsque le défunt était domicilié en France, tous les biens mobiliers ou immobiliers transmis, situés en France ou à l’étranger, sont imposables en France. Si le défunt était domicilié à l’étranger, l’imposition portera sur les seuls actifs situés en France sauf lorsque les héritiers ont été fiscalement domiciliés en France au moins six ans au cours des dix années précédant l’ouverture de la succession.

Néanmoins, ce RE produit nécessairement des effets indirects sur la fiscalité dans la mesure où l’assiette des droits de succession sera fixée selon les règles civiles successorales (soit la détermination de la qualité d’héritier, de la fraction du patrimoine revenant à ce dernier, etc).

Ainsi, des héritiers (ayant leur résidence fiscale en France), d’une personne de nationalité allemande, résidant en France de façon habituelle au moment de son décès, mais ayant opté pour l’application de la loi successorale allemande, seront soumis aux droits de succession en France sur la part nette attribuée à chacun selon la loi successorale allemande.

Ainsi, tout en permettant une réelle simplification juridique des successions internationales, ce RE va également accentuer la nécessité de les organiser, en amont.

Xavier Rohmer, associé

Cécilia Chaves, avocat

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