Distribution sélective : pas de violation de l’interdiction de revente hors réseau par un site de vente aux enchères en ligne
Dans un arrêt récent (Cass. com. 3 mai 2012 n° 11-10.508 (n° 483 FS-PB), Sté eBay Inc, Sté de droit du Delaware c/ Sté Parfums Christian Dior), la Cour de cassation revient sur la décision prise par les juges de la Cour d’appel de Paris qui avaient condamné la société eBay notamment sur le fondement de l’article L. 442-6.I.6° du Code de commerce.
De nombreuses ventes de produits habituellement commercialisés dans le cadre de réseaux de distribution sélective ayant été opérées par l’intermédiaire du site de vente aux enchères en ligne, les sociétés à la tête de tels réseaux (à savoir en l’espèce les sociétés Parfums Christian Dior, Kenzo Parfums, Parfums Givenchy et Guerlain) poursuivaient la société eBay, notamment sur le fondement de l’article L. 442-6.I.6° du Code de commerce qui prévoit :
« Engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel, ou personne immatriculée au répertoire des métiers : (…) 6° De participer directement ou indirectement à la violation de l’interdiction de revente hors réseau faite au distributeur lié par un accord de distribution sélective ou exclusive exempté au titre des règles applicables du droit de la concurrence ; (…) »
En appel, les juges avaient considéré notamment que ce texte incriminant la participation indirecte à la violation d’un réseau de distribution sélective, « peu important que cette violation soit commise par un professionnel du commerce ou un particulier », la responsabilité d’eBay était alors pleinement engagée. Par la fourniture de moyens (la plateforme de vente en ligne), eBay participait à la violation de l’interdiction de revente hors réseau, une telle violation étant néanmoins le fait de particuliers.
Ce raisonnement est censuré par la Cour de cassation qui précise notamment que « (…) pour dire que les société eBay avaient participé à la violation de l’interdiction de revente hors des réseaux de distribution sélective mis en place par les sociétés DKGG (…) l’arrêt retient qu’il importe peu que cette violation soit commise par un professionnel du commerce ou par un particulier et relève que ces sociétés ont laissé perdurer, sans prendre de mesures effectives, l’organisation de ventes importantes hors réseaux sur lesquelles elles ont perçu des commissions. Attendu qu’en statuant ainsi, alors que les ventes accomplies par de simples particuliers ne sont pas susceptibles de constituer une violation de l’interdiction de revente hors réseau de distribution sélective, la Cour d’appel a violé le texte susvisé; (…) ».
Les parties sont donc renvoyées devant la Cour d’appel de Paris.
DÉSÉQUILIBRE SIGNIFICATIF : DE NOUVEAUX EXEMPLES
La clause de reprise des invendus avait déjà été épinglée par le Tribunal de commerce de Meaux en janvier dernier. Dans le cadre d’une nouvelle décision rendue le 29 mai 2012 contre Darty par le Tribunal de Commerce de Bobigny, les juges ont considéré que :
- La clause de protection de stock permettant au distributeur d’obtenir un avoir auprès de son fournisseur en cas de baisse des tarifs du fournisseur pour les produits toujours en stock chez le distributeur ; et
- La clause de « produits obsolètes/mévente des produits » permettant au distributeur d’obtenir un avoir auprès de son fournisseur en cas d’obsolescence, arrêt de fabrication ou mévente des produits achetés et toujours en stock chez le distributeur ;
créaient un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties notamment en ce qu’elles (i) avantagent Darty qui est assuré, quelle que soit l’évolution du marché, de ne pas perdre d’argent et (ii) amoindrissent la liberté commerciale des fournisseurs qui, avant de réaliser une modification de leurs tarifs, vont devoir prendre en considération la revalorisation prévue par la clause de protection de stock. Les juges relèvent par ailleurs que le fait que ces clauses offrent la possibilité au distributeur de rétroagir sur les conditions de la vente et ce, a posteriori de l’acte de vente lui-même, constitue en soi un déséquilibre.
Le Tribunal constate l’illicéité des clauses concernées, enjoint à Darty de ne plus les faire figurer dans ses contrats, constate en particulier la nullité des clauses concernées dans 14 contrats identifiés et condamne par ailleurs Darty à 300.000 euros au titre d’une amende civile, et à verser au Trésor Public un peu plus de 575.000 euros correspondant à des sommes indûment versées par 4 fournisseurs identifiés en application des clauses concernées./.
Mahasti Razavi - Associée
Alexandra Berg-Moussa - Counsel