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Distribution sélective et places de marché : la Cour d’appel de Paris s’aligne sur la position de la CJUE

Article IT et données personnelles Droit de la concurrence, consommation et distribution Contrats commerciaux et internationaux | 21/03/18 | 3 min. | Alexandra Berg-Moussa Renaud Christol

On se souvient que le 6 décembre 2017, la Cour de Justice de l’Union Européenne (« CJUE ») avait affirmé, dans le cadre d’une décision rendue sur question préjudicielle, relative au réseau de distribution de Coty en Allemagne, qu’un fournisseur de produits de luxe peut interdire à ses distributeurs agréés de vendre ses produits sur des places de marché telles qu’Amazon ou eBay (sous réserve des conditions posées par la jurisprudence). La CJUE avait considéré qu’une telle interdiction était appropriée et n’allait pas au-delà de ce qui est nécessaire pour préserver l’image de luxe des produits[1].

Après cette décision remarquée, la position des juridictions françaises était attendue sur le sujet.

Le 28 février 2018[2], dans un litige qui impliquait le réseau français de Coty, la Cour d’appel de Paris s’est alignée sur la position de la CJUE.

Coty avait assigné Showroomprivé (plateforme généraliste de commerce en ligne) car cette dernière vendait certains de ses parfums de luxe distribués via son réseau de distribution sélective, sans toutefois faire partie de son réseau de distributeurs agréés.

Showroomprivé soutenait qu’elle était dans son bon droit car le réseau de distribution sélective de Coty était illicite en raison de plusieurs restrictions caractérisées au sens du règlement UE n°330/2010 sur les restrictions verticales, dont notamment l’interdiction du recours à la vente internet par le biais de plateformes ou places de marché.

Sur ce sujet, la Cour d’appel de Paris reprend en tous points la position de la CJUE.

La clause d’interdiction de commercialisation sur des plateformes tierces « est […] appropriée pour préserver l’image de luxe [des produits de luxe de Coty] et ne dépasse pas ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif poursuivi, car elle n’interdit pas de manière absolue aux distributeurs agréés de vendre sur Internet les produits contractuels ».

La solution est limpide : les fournisseurs de produits de luxe peuvent en interdire la distribution sur des plateformes tierces[3].

Cela étant, la Cour d’appel de Paris, comme la CJUE précédemment, laisse deux questions en suspens, questions qui sont d’une particulière acuité pour les têtes de réseau sélectif.

La première est l’hypothèse où une plateforme tierce remplirait les critères sélectifs qualitatifs. Ces critères doivent être appliqués de façon non discriminatoire, la plateforme en question devrait par conséquent être autorisée à distribuer les produits.

Il convient de rappeler à cet égard que l’Autorité de la concurrence française avait estimé dès 2014, dans l’affaire relative à la distribution des produits bruns[4], « que les sites de places de marché avaient la capacité de satisfaire aux critères qualitatifs des produits ».

La seconde est la définition du « produit de luxe ». Dans cette affaire, la Cour d’appel de Paris relève qu’« il n’est pas contesté, en l’espèce, que les parfums haut de gamme vendus par la société Coty France appartiennent au segment des produits de luxe ». Cela est peu surprenant au regard du rôle joué par les parfums et cosmétiques de luxe dans l’histoire de la distribution sélective.

Mais pour d’autres produits actuellement distribués de façon sélective, la réponse pourrait être beaucoup moins évidente.

Les « produits de luxe » seraient-ils définis par leur positionnement prix ou par la perception qu’en ont les consommateurs, notion beaucoup plus subjective ? Qu’en serait-il, par exemple, des produits techniques dont il est acquis qu’ils justifient une distribution sélective ?

Ces questions seront à n’en pas douter au cœur des prochains débats sur le sujet.



[1] Voir notre article du 6 décembre 2017 « Distribution sélective et places de marché : le dénouement ».

[2] Cour d’appel de Paris Pôle 5 – Chambre 4, 28 février 2018, n°16/02263

[3] La Cour d’appel rejette également les autres prétentions de Showroomprivé relatives aux ventes aux comités d’entreprises, les reventes aux distributeurs non agréés et les nouveaux produits.

[4] Décision n°14-D-07 du 23 juillet 2014.



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