Article Private Equity Corporate - M&A | 27/02/20 | 10 min. | Jérôme Brosset Gwendoline Hong Tuan Ha
Dans le cadre de travaux entrepris pour la mise en œuvre des dispositions de la loi Pacte[1] sur le retrait obligatoire[2], l'AMF a constitué un groupe de travail qui a émis, le 16 septembre 2019, un rapport contenant 18 propositions visant à renforcer la protection des actionnaires minoritaires et à mieux garantir l'indépendance et la transparence de l'expertise indépendante.
A la suite de la publication de ce rapport, l'AMF a lancé une consultation publique sur des propositions d'évolution du règlement général ("RGAMF") et des textes d'application, qui s'est achevée le 15 octobre 2019.
A l'issue de cette consultation, le collège de l'AMF a procédé à des modifications du RGAMF qui ont été homologuées par arrêté du 20 janvier 2020.
L'instruction 2006-07 sur les offres publiques d'acquisition, l'instruction 2006-08 sur l'expertise indépendante et la recommandation 2006-15 sur l'expertise indépendante ont également été amendées.
Les modifications adoptées ont "pour objectif de renforcer le rôle des organes sociaux, de mieux protéger et mieux informer les actionnaires minoritaires et de renforcer et mieux garantir l’indépendance et la transparence de l’expertise indépendante".
Les principales modifications sont les suivantes :
1) Désignation d'un comité ad hoc pour la désignation de l'expert indépendant
Le nouvel article 261-1 III du RGAMF dispose désormais que l'expert indépendant est désigné, dans les conditions fixées par une instruction de l'AMF, par l'organe social compétent de la société visée sur proposition d'un comité ad hoc composé d'au moins trois membres et comportant une majorité de membres indépendants. Ce comité assure le suivi des travaux de l'expert et prépare un projet d'avis motivé.
Lorsque la société visée n'est pas en mesure de constituer le comité ad hoc (absence ou nombre insuffisant d'administrateurs indépendants), elle devra soumettre à l'AMF l'identité de l'expert indépendant qu'elle envisage de désigner[3].
L'AMF pourra, le cas échéant, s'opposer à la désignation de l'expert indépendant proposé par la société visée, dans un délai de dix jours de négociation, si elle a des motifs raisonnables de considérer que l'expert ne présente pas les compétences ou garanties suffisantes, notamment d'indépendance, pour assurer sa mission. Si l'AMF demande des précisions ou des informations complémentaires à la société visée, ce délai sera suspendu jusqu'à réception de celles-ci.
2) Rapport de l'expert indépendant
Conséquences de l'insuffisance du contenu
Lorsque l'AMF constate que le rapport d'expertise contient des insuffisances significatives, elle peut désormais demander à la société visée de désigner à ses frais un nouvel expert indépendant aux fins d'émettre une nouvelle attestation d'équité. Il en va ainsi notamment lorsque le rapport ne rend pas compte d'une situation de conflit d'intérêts ou lorsqu'il comporte des incohérences ou des lacunes significatives.
Calendrier – remise d'un rapport "en l'état"
Le délai pour produire le rapport ne peut désormais être inférieur à 20 jours de bourse à compter de la désignation de l'expert[4].
Lorsque l'expert considère ne pas avoir eu un délai suffisant pour élaborer son rapport compte tenu des développements de sa mission ou des retards dans la mise à disposition des documents et informations nécessaires à l'accomplissement de celle-ci, il remet un rapport "en l'état", sans attestation d'équité, et en explique les raisons.
3) Observation des tiers
Lors de l’annonce des caractéristiques de l’opération ou à la date de désignation de l’expert, si celle-ci est postérieure, le communiqué publié par la société visée doit désormais mentionner (i) un contact au sein de l'émetteur et (ii) le nom de l’expert indépendant mandaté sur l’offre afin que les actionnaires puissent prendre contact avec ces derniers[5].
Lorsque l’expert indépendant reçoit des observations écrites d’actionnaires concernant sa mission, il présente les principaux arguments développés dans ces observations, ainsi que son analyse et son appréciation, et doit indiquer les raisons pour lesquelles il a, ou non, tenu compte de ces observations dans ses travaux.
Par ailleurs, l'AMF met désormais à la disposition des actionnaires une boîte dédiée pour les offres publiques (contactOPA@amf-france.org). L'AMF transmettra les messages reçus, en tant que de besoin, à l'initiateur, à la société visée et à l'expert indépendant.
4) Contenu de l'avis motivé
Afin de pallier les insuffisances de motivation de l'avis établi par l'organe social compétent de la société visée concernant l'intérêt de l'offre et ses conséquences pour la société, ses actionnaires et ses salariés, que l'AMF a pu relever dans certaines opérations passées, ledit avis doit désormais préciser les diligences que l'expert a effectuées aux fins de la préparation de cet avis, dans les conditions fixées par une instruction de l'AMF[6].
L'avis motivé doit ainsi notamment préciser[7] :
[1] Loi no. 2019-486 du 22 mai 2019
[2] Pour rappel, la loi Pacte a abaissé à 90% du capital et des droits de vote le seuil de retrait obligatoire pour les sociétés cotées dont le siège social est situé en France
[3] Article 261-1-1 I du RGAMF
[4] Article 262-1 du RGAMF
[5] Recommandation 2006-15 (expertise dans le cadre d'opérations financières)
[6] Article 231-19 4° du RGAMF
[7] Article 3 de l'instruction AMF 2006-07 (offres publiques d'acquisition)
[8] Article 231-19 du RGAMF
[9] Articles 231-26 et 262-1 du RGAMF
[10] Article 2 de l'instruction AMF 2006-07 (offres publiques d'acquisition)
[11] Article 2 3. in fine de l'instruction AMF 2006-07 (offres publiques d'acquisition)
[12] Recommandation 2006-15 (expertise dans le cadre d'opérations financières)