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Nouvelle opportunité de donation de 100.000 euros sans fiscalité !

Article Private Equity Gestion patrimoniale Droit fiscal | 14/09/20 | 11 min. | Xavier Rohmer Emilie Lecomte

L’article 790 A bis du CGI issu de la 3ème loi de finances rectificative pour 2020 introduit un nouveau dispositif de dons familiaux en espèces exonérés de droits de mutation dans la limite de 100 k€ à condition d’être consentis entre le 15 juillet 2020 jusqu’au 30 juin 2021 et affectés dans les trois mois à la souscription au capital d’une petite entreprise, à la rénovation énergétique ou à la construction de la résidence principale.

De telles exonérations temporaires de droits de mutation avaient déjà existé dans le passé : l’exonération temporaire dite « Sarkozy », initialement limitée à 20 k€ puis portée à 30 k€ pour les donations familiales effectuées entre juin 2004 et décembre 2005, a permis la transmission de 25,8 milliards d’euros en dix-huit mois[1]. L’Insee avait estimé l’effet sur la consommation compris entre 1,5 milliards d’euros et 2,5 milliards d’euros entre le troisième trimestre 2004 et le premier trimestre 2005, période au cours de laquelle 15 milliards d’euros auraient été débloqués au titre de ce dispositif et d’une mesure analogue concernant l’épargne salariale.

Il s’agit là d’un pas supplémentaire pour la mobilisation intergénérationnelle de ressources au sein des familles de façon à hâter la transmission des séniors vers les jeunes actifs.

Dans l’attente des commentaires de l’administration fiscale sur ce nouveau dispositif, aperçu du nouveau dispositif de don familial :

1) Un champ d’application limité quant aux bénéficiaires et aux secteurs économiques pouvant bénéficier de l’investissement par le donataire

Dans sa version initiale adoptée par l’Assemblée nationale, le dispositif était d’application large puisque l’amendement initialement adopté par l’Assemblée nationale permettait d’exonérer dans la limite de 100 k€ les dons de sommes d’argent affectés à la création ou au développement d’une PME dirigée par le bénéficiaire du don. Le don pouvait être consenti à la famille ou à un tiers. Le dispositif, après modification par le Sénat et la Commission mixte paritaire, a été complètement réécrit pour le rendre compatible avec les règles européennes prévues en matière d’aides d’Etat et en limiter les abus.

Bénéficiaires (à nouveau) limités au cercle familial proche

Avant l’entrée en vigueur de ce dispositif, deux régimes étaient applicables et bien connus des Français : en ligne directe, les mutations à titre gratuit (donations, successions) peuvent bénéficier d’un abattement général de 100 k€ sur la part nette de chacun des ascendants et de chacun des enfants, renouvelable tous les quinze ans. En ligne directe et indirecte, un abattement est applicable pour les donations consenties notamment entre grands-parents et petits-enfants, d’un montant de 31.865 €, l’abattement étant personnel dans les deux cas.

Au-delà du cercle familial proche, les donations à des tiers ne bénéficient d’aucun traitement fiscal préférentiel et sont en principe taxées à hauteur de 60%. C’est pourquoi, l’amendement présenté initialement par la députée Olivia Grégoire ne visait que les dons de sommes d’argent consentis aux tiers en pleine propriété sans aucun mécanisme de plafonnement global. La Commission des finances du Sénat a cependant estimé que cela constituait un risque de contournement et d’abus, de sorte que le dispositif a été finalement limité au cercle familial proche, repris d’un dispositif analogue en vigueur jusqu’en 2013 : enfants, petits-enfants, arrière-petits-enfants ou, à défaut d’une telle descendance, un neveu ou une nièce[2].

Contrairement à l’exonération de dons familiaux de sommes d’argent à hauteur de 31.865 € prévue par l’article 790 G du CGI qui nécessite pour son application que le donateur soit âgé de moins de 80 ans au jour de la transmission, aucune limite d’âge n’est fixée pour le donateur.

Obligation d’emploi à bref délai par le donataire, selon trois alternatives commandées par les exigences de la relance de l’économie

L’application de l’exonération est subordonnée à une obligation d’emploi par le donataire des sommes ayant fait l’objet de la donation : celles-ci doivent faire l’objet de l’une des affectations suivantes dans un délai de 3 mois[3] suivant le transfert, ce qui ne sera pas sans poser de problèmes.
 

(i) Souscription au capital d’une petite entreprise au sens de la règlementation européenne dans lequel le donataire exerce une activité éligible


Aux prêts garantis par l’Etat auxquels ont eu massivement recours les PME françaises pendant la crise sanitaire, doit maintenant succéder une période nécessaire de renforcement des fonds propres des entreprises les plus fragiles. Ces petites entreprises sont en effet essentielles du fait qu’elles sont des créatrices d’emplois sur tout le territoire français, le dispositif ayant été ciblé volontairement sur des « jeunes pousses ».

Conditions relatives à la société : Aux fins du bénéfice de l’exonération, les sommes données peuvent être ainsi affectées par le donataire à la souscription en pleine propriété au capital initial ou aux augmentations de capital d’une petite entreprise au sens de la règlementation communautaire[4], satisfaisant aux conditions suivantes:

- avoir son siège de direction effective dans un Etat membre de l’UE ou dans un autre Etat partie à l’accord sur l’EEE ayant conclu avec la France une convention d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales (Islande, Norvège et Liechtenstein) ;
- ne pas être cotée sur un marché réglementé ou sur un système multilatéral de négociation français ou étranger ;
- exercer exclusivement une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale. Sont toutefois exclues les activités de gestion de patrimoine mobilier, les activités financières, les activités immobilières, les activités de construction d’immeubles en vue de leur vente ou de leur location, ainsi que des activités procurant des revenus garantis en raison de l’existence d‘un tarif réglementé de rachat de la production ou bénéficiant d’un contrat offrant un complément de rémunération défini à l’article L.314-18 du Code de l’énergie ;
- exercer son activité depuis moins de 5 ans ;
- ne pas avoir encore distribué de bénéfices ;
- avoir moins de 50 salariés ;
- avoir un chiffre d’affaires annuel ou le total de bilan qui n’excède pas 10 millions d’euros 
- ne pas être issue d’une concentration ;
- ne pas avoir ses actifs constitués de façon prépondérante de métaux précieux, d’œuvres d’art, d’objets de collection, d’antiquités, de chevaux de course ou de concours ou, sauf si l’objet même de son activité consiste en leur consommation ou en leur vente au détail, de vins ou d’alcools.

Conditions relatives au donataire : L’exonération de droits est applicable à condition que le donataire exerce dans l’entreprise pendant au moins 3 ans à compter de la souscription, son activité professionnelle principale ou, si la société est soumise à l’IS, l’une des fonctions de direction retenues en matière d’IFI[5]. Les exigences classiques en matière d’IFI relatives à l’exercice des fonctions de direction, devraient être reprises dans les commentaires de l’administration fiscale à intervenir, qui devraient ainsi procéder par renvoi aux commentaires sur l’IFI.
 

(ii) Travaux de rénovation énergétique dans la résidence principale


Les sommes données peuvent également être affectées à des travaux et dépenses de rénovation énergétiques éligibles à la prime de transition énergétique versée par l’Agence nationale de l’Habitat et réalisés dans la résidence principale du donataire. Les commentaires à intervenir de l’administration fiscale devraient en principe se référer aux dépenses éligibles à la prime pour la rénovation énergétique mise en place cette année.

Cette « tunnelisation » de l’épargne au soutien de la transition écologique de la France est en adéquation avec les annonces récentes faites par le Gouvernement concernant les grands axes du plan de relance de l’économie et donc sans surprise.
 

(iii) Construction de la résidence principale


Le rapporteur général de la Commission des finances du Sénat avait proposé d’étendre le champ des dépenses éligibles, outre les dépenses de rénovation énergétiques réalisées dans la résidence principale, à l’acquisition ou à la construction de la résidence principale. Finalement, le donataire pourra aussi affecter les sommes reçues à la construction de sa résidence principale mais non à son acquisition. Là encore, l’éligibilité de l’emploi de la donation à bref délai dans la seule construction de la résidence principale (et non à son acquisition) est destinée à soutenir le secteur du bâtiment, pourvoyeur important d’emplois.

2) Portée de l’exonération

Montant de l’exonération :
La donation est limitée à un montant de 100 k€. Ce plafond est apprécié par donateur, de sorte qu’entre le 15 juillet 2020 et le 30 juin 2021, un même donateur pourra effectuer plusieurs dons à des donataires différents à condition que le montant total des dons consentis n’excède pas au total 100 k€. En revanche, un même donataire peut recevoir plusieurs dons de 100 k€ de donateurs différents. Par conséquent, en vertu de ce dispositif, un enfant peut ainsi recevoir par exemple 100 k€ de chacun de ses parents et grands-parents en exonération de droits. Il incombe à ces derniers de répartir le cas échéant les 100 k€ entre leurs enfants et petits-enfants.

Possibilités de cumuls avec les donations classiques :  en l’absence de mention contraire prévue par l’article 790 A bis du CGI issu de la 3ème loi de finances rectificative pour 2020, dans le cas où le don dépasserait 100 k€, les droits de mutation pourront être liquidés (au-delà du montant de 100 k€) en appliquant les abattements personnels de 100 k€ « rechargeables » tous les quinze ans. De même, cette exonération pourra être cumulée avec l’exonération de dons familiaux de sommes d’argent à hauteur de 31.865 € prévue par l’article 790 G du CGI.

Interdiction de cumul avec d’autres avantages fiscaux : l’exonération de 100 k€ ne s’applique pas aux versements effectués par le donataire au titre des souscriptions ayant ouvert droit à certaines réductions d’impôt (investissements outre-mer, réduction d’impôt « Madelin » par exemple), crédits d’impôts ou déductions de charges.

La donation pourra être effectué par acte notarié ou sous seing privé ou par le dépôt du formulaire n°2735 au service des impôts du domicile du donataire. L’absence de satisfaction de l’une des conditions précitées entraînera l’exigibilité des droits de donation dont la donation a bénéficié, assorti des intérêts de retard au taux de 0,20% par mois.

***

Le même objectif sous-tendu par cette mesure aurait pu être accompagné par un relèvement de l’abattement général de 100 k€ à 150 k€. Cette nouvelle forme de dons sera en pratique difficile à appliquer compte tenu du « fléchage » des dépenses qui est imposé par le dispositif ainsi que des délais courts à respecter. On attendra des instructions d’application avec intérêt.
 

[1] Conseil des prélèvements obligatoires, « La répartition et l’équité des prélèvements obligatoires entre générations », 6 novembre 2008, p. 241

[2] Ainsi que l’a précisé l’administration pour l’application de l’exonération des dons familiaux en espèces prévue à l’article 790 G du CGI, les neveux et nièces s’entendent des enfants des frères et sœurs du donateur à l’exclusion, par voie de conséquence, de ceux des frères et sœurs du conjoint du donateur (BOI-ENR-DMTG-20-20-20, n°160). S’il est prélevé sur la communauté des époux, le don est considéré comme consenti pour sa totalité par l’oncle ou la tante pour son compte personnel sous réserve que son conjoint n’intervienne pas comme codonateur (BOI-ENR-DMTG-20-20-20, n°180).

[3] Il est intéressant de noter que l’urgence de la situation actuelle a abouti au remplacement du délai de souscription de deux ans prévu par le dispositif similaire de dons familiaux pour la création ou la reprise d’entreprise qui avait été mis en place par l’article 6 de la loi n°2005-882 du 2 août 2005 par le délai de trois mois.

[4] La définition des « petites entreprises » figure à l’annexe I au règlement UE/651/2014 de la Commission du 17 juin 2014 déclarant certaines catégories d’aides compatibles avec le marché intérieur en application des artices 107 et 108 du TFUE.

[5] Gérant de SARL ou d’une SCA, associé en nom d’une société de personnes ou président, directeur général, président du conseil de surveillance ou membre du directoire d’une société par actions.

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