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Say on Pay - Publication d’une réponse ministérielle interprétant de manière large le champ d’application du vote ex-post suspensif

Article Private Equity Corporate - M&A | 17/03/21 | 5 min. | Jérôme Brosset Virginie Desbois

Le régime du say on pay français a fait l’objet d’un certain nombre de modifications récentes allant dans le sens d’un durcissement de l’encadrement de la rémunération versée aux mandataires sociaux des sociétés anonymes, sociétés en commandite par actions et sociétés européennes dont les actions sont admises aux négociations sur un marché réglementé. Pour rappel, sont en revanche en dehors du champ de cette réglementation, les sociétés cotées sur un système multilatéral de négociation (de type Euronext Growth), ainsi que celles de droit étranger cotées sur un marché réglementé français.

Le régime du say on pay des sociétés  « cotées » comprend notamment un vote « ex-post individuel » - désormais codifié, s’agissant des sociétés anonymes, à l’article L.22-10-34 II du code de commerce - portant sur les « éléments fixes, variables et exceptionnels composant la rémunération totale et les avantages de toute nature versés au cours de l'exercice écoulé ou attribués au titre du même exercice » des dirigeants mandataires sociaux (i.e. président du conseil d'administration ou du conseil de surveillance, directeur général, directeurs généraux délégués, président du directoire, autres membres du directoire, directeur général unique). A ce titre, le versement « des éléments de rémunération variables ou exceptionnels attribués au titre de l'exercice écoulé » est conditionné à un vote positif de l’assemblée générale ordinaire (le « vote ex-post suspensif »).

Lors de notre précédent article relatif aux changements opérés par l’ordonnance n°2019-1234 en date du 27 novembre 2019 relative à la rémunération des mandataires sociaux des sociétés cotées, nous avions souligné que l’occasion de préciser ce qu’il convenait d’intégrer dans la notion de « rémunération variable et exceptionnelle » n’avait pas été saisie et qu’ainsi la question pourrait se poser, s’agissant notamment des éléments de rémunération liés à la cessation des fonctions ou à un « golden hello ».

Dans une réponse du ministre de  de l'économie, des finances et de la relance publiée au Journal Officiel du 9 mars dernier et faisant suite à une question de M. Roland Lescure lui demandant de présenter les principales caractéristiques du régime, il a été précisé que le vote ex-post suspensif s'applique « à l'ensemble des éléments de rémunération variables ou exceptionnels attribués au titre de l'exercice écoulé, quelle qu'en soit la forme ou la nature (en numéraire, en actions, ou toute autre forme ou nature de rémunération variable ou exceptionnelle telle qu'une indemnité de départ ou de non-concurrence). A titre d'illustration, une indemnité de départ ou de non-concurrence ayant fait l'objet d'une décision d'attribution en N est conditionnée au vote ex-post individuel positif d'une assemblée générale tenue en N+1, un vote négatif faisant obstacle à son versement au moment du départ du dirigeant mandataire social. ».

Cette réponse ministérielle va ainsi dans le sens d’une interprétation large de la notion de rémunération exceptionnelle. A la suivre, les éléments liés à la cessation du mandat (et en particulier les indemnités de départ et de non-concurrence) sembleraient bien devoir être qualifiés d’éléments exceptionnels. Une telle interprétation aurait des conséquences lourdes puisque cela signifierait qu’en cas de départ d’un dirigeant mandataire social exécutif, l’octroi d’une indemnité de départ serait conditionné à un double vote positif des actionnaires sur (i) l’adoption a priori, en vote dit ex-ante, d’une politique de rémunération intégrant une telle indemnité (aucun élément de rémunération ne pouvant être attribué ou versé s’il n’est pas prévu par la politique de rémunération) et (ii) son versement effectif. La prudence incitait déjà à adopter une telle position. Or, s’agissant de ce second vote, il n’intervient en principe que l’exercice suivant celui de départ du dirigeant, au titre du vote ex-post suspensif sur les éléments attribués « au titre de l’exercice écoulé ». En conséquence, l’octroi d’une telle indemnité ne serait pas garanti au dirigeant partant alors même qu’elle serait conforme à la politique de rémunération, lequel devrait attendre plusieurs mois (en fonction de la date de la prochaine assemblée annuelle) avant d’être fixé.

De la même façon, les termes larges de la réponse ministérielle pourraient laisser craindre que l’octroi d’un « golden hello » ou « welcome bonus » suivrait le même régime, ce qui aurait pour conséquence de différer son versement à l’exercice suivant l’arrivée du dirigeant en cas de vote positif de l’assemblée générale.

Par ailleurs, la réponse ministérielle inclut tout type de rémunération, quelle qu'en soit la forme ou la nature, y compris en actions. Dans son rapport 2020 sur le gouvernement d’entreprise, l’AMF avait souligné que, s’agissant du vote ex-post suspensif, certains émetteurs retenaient une interprétation restrictive du terme « versés » et considéraient que seules les rémunérations en numéraire étaient concernées. Selon l’AMF, la pratique consistant à exclure de la sanction de non-versement – en cas de vote ex-post individuel négatif – les rémunérations en actions attribuées au titre de l’exercice écoulé pose question au regard de la lettre de l’article L. 225-100, III, al. 2 du code de commerce [devenu l’article L.22-10-34 II] et en tout état de cause au regard de l’intention du législateur.

Au vu de la réponse ministérielle et des questionnements de l’AMF, la question de l’inclusion de l’octroi d’actions gratuites dans le vote ex-post suspensif relatif à l’exercice de leur attribution se pose. Si une telle interprétation devait être retenue, il serait nécessaire de conditionner l’attribution des actions gratuites au vote ex-post positif des actionnaires portant sur l’exercice de leur attribution. Dans ce cas, il conviendrait de réfléchir à la possibilité de prévoir un mécanisme de condition suspensive, permettant une rétroactivité en cas de réalisation, afin de maintenir le point de départ de la période d’acquisition des actions gratuites à la date d’attribution.

En tout état de cause, la réponse ministérielle renforce les craintes des praticiens d’une interprétation large du champ du vote ex-post suspensif et s’inscrit sans aucun doute dans la continuité du durcissement de cette règlementation. Or, ce durcissement diminue de plus en plus les marges de manœuvre des sociétés et la possibilité pour ces dernières de garantir aux nouveaux arrivants un « package » attractif, et ce encore plus dans les sociétés cotées à actionnariat dispersé, ce qui à terme est susceptible (i) de poser difficulté pour leur capacité à attirer des dirigeants de talent ou (ii) d’accroître la part versée en rémunération fixe (non soumise au vote ex-post suspensif).

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