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Juridiction Unifiée des Brevets : Aux traités mal nés, l’entrée en vigueur attendra (encore) nombre d’années

Article Brevets | 09/03/21 | 5 min. | François Pochart Lionel Martin

Pas d’examen prévu en 2021 des recours allemands en inconstitutionnalité de l’accord sur la juridiction unifiée.

La Juridiction Unifiée des Brevets (JUB) voit son entrée en vigueur repoussée à après 2021 et certainement pour de nombreuses années encore.

En effet, la cour constitutionnelle allemande vient de publier la liste des dossiers qu’elle envisage de traiter en 2021[1]. Or les deux récents recours en inconstitutionnalité consécutifs à la deuxième loi allemande de ratification ne figurent pas parmi les décisions qui pourraient être traitées en 2021.

Ainsi la finalisation du processus de ratification allemand reste toujours suspendue au traitement de ces recours, après que la Cour Constitutionnelle Allemande ait demandé au président fédéral de ne pas signer la loi de ratification[2].

L’impression de déjà-vu est très forte.

En 2018, lorsque la France avait elle-même adopté sa loi de ratification de l’accord sur la JUB, nous écrivions que L'entrée en vigueur de l’accord sur la JUB n'attend plus que la ratification par l'Allemagne qui n'interviendra pas avant la décision de la Cour Constitutionnelle allemande, laquelle doit statuer sur la conformité de l’accord avec la constitution[3]. Il s’agissait alors de l’examen d’un premier recours par la Cour Constitutionnelle allemande suite à une première loi allemande de ratification de l’accord sur la JUB. Ce recours constitutionnel de 2017 avait été tranché en 2020 par une décision concluant à l’inconstitutionnalité (une majorité des 2/3 requise n’ayant pas été observée[4]) mais laissant ouvert les questions de fond sur l’inconstitutionnalité. Le parlement allemand avait alors procédé à l’adoption d’une deuxième loi de ratification avec la majorité requise le 18 décembre 2020, deuxième loi qui a fait l’objet le même jour des deux recours pendants[5].

Le traitement du recours de 2017 avait pris 3 ans, si bien qu’il n’était pas attendu que ces deux nouveaux recours soient tranchés à court terme, sauf traitement particulier et accéléré. Mais la cour constitutionnelle allemande confirme maintenant implicitement que les recours sur l’accord JUB attendrons leur tour de la même manière qu’un recours classique. Il peut ainsi être estimé que ces recours ne devraient pas pouvoir être traités avant 2023. La JUB attendra…

si elle survit d’ici là !

Pour mémoire, l’accord relatif à une Juridiction Unifiée des Brevets (AJUB) a été signé en 2013 après un véritable parcours d’obstacle.

Il n’a en effet pu être signé que par 25 des Etats membres de l’Union Européenne au titre de la coopération renforcée, car l’unanimité des Etats membres de l’UE n’était pas atteinte avec le refus de l’Espagne (et à l’époque de l’Italie) pour des questions de langue.

Puis, après de longue négociation diplomatique, en particulier avec les Britanniques alors membre de l’UE, la signature de l’accord avait finalement été arrachée notamment au prix de certaines concessions.

En particulier une séparation des compétences de la division centrale de cette juridiction entre des branches prévues à Paris, Munich et Londres, avait été scellée dans le texte de l’accord[6].

Ainsi, l’accord souffre maintenant de cette affection congénitale, révélée par le Brexit : même dans le cas où l’accord sur la JUB viendrait à survivre aux (longs) recours constitutionnels allemands, il restera encore la question de l’attribution de la compétence de la branche londonienne. La réattribution de cette branche londonienne, selon que celle-ci nécessite une renégociation de tout l’accord avec unanimité des parties prenantes, ou une simple modification par le comité administratif de la JUB[7], promet en tous les cas de nouvelles péripéties.

Enfin, un obstacle supplémentaire à cet accord, qui n’en a pourtant pas manqué, tient aussi à la perte du marché britannique dans la portée de la JUB qui diminue fortement l’attrait pour un contentieux centralisé des brevets.

D’une part le marché britannique n’est assurément pas négligeable et d’autre part le contentieux britannique est l’un des plus coûteux. Dès lors l’avènement de la JUB couvrant le Royaume Uni, aurait pu avantageusement concentrer certains contentieux à juridictions multiples en Europe (qui peut exister pour un petit nombre de brevets), mais même pour les contentieux purement britanniques, il aurait permis de réduire les coûts en traitant les seules contrefaçons britanniques de brevet européen directement auprès de la JUB.

Le Brexit aura peut-être eu raison de cette tentative d’harmonisation européenne sur le sujet du brevet, indépendamment du verdict allemand.

[7] l’article 87(2) de l’accord prévoyant une possibilité de révision pour mise en conformité avec un traité portant sur les brevets ou avec le droit de l’Union. La question serait alors de savoir si la mise en conformité aux conséquences du Brexit et une mise en conformité au droit de l’UE…

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