Article Droit de la propriété intellectuelle, média et art | 10/04/24 | 4 min. | Pierre Pérot Inès Bouzayen Camille Abba
« Créer une représentation visuelle de deux parties signant un contrat commercial dans un cadre formel, par exemple dans une salle commerciale ou dans le bureau d'un cabinet d'avocats à Prague. Ne montrer que les mains. ».
Ce dernier a constaté que le défendeur avait publié cette image sur internet et a intenté une action afin de faire établir sa paternité sur l’image.
Le défendeur considère de son côté que l’image créée par l’IA ne constitue pas une œuvre de l’esprit et que le demandeur n’en est donc pas l’auteur.
La juridiction tchèque a tout d’abord rappelé que l’intelligence artificielle en elle-même ne peut pas être auteur de l’image, seule une personne physique pouvant être considérée comme auteur au sens du droit d’auteur national.
La paternité du demandeur est également rejetée, ce dernier n’étant pas en mesure de prouver que l’image générée est le résultat de sa contribution, sa demande se basant uniquement sur ses déclarations personnelles.
Les juges considèrent ainsi que le demandeur ne dispose pas de la qualité à agir et rejettent l’action dans son intégralité.
Le tribunal continue tout de même son raisonnement sur la question de l’éligibilité de la protection d’une image générée par un système d’IA par le droit d’auteur, en estimant qu’une telle image ne constitue pas une œuvre de l’esprit au sens du droit d’auteur tchèque « car elle ne répond pas aux caractéristiques conceptuelles d'une œuvre de l'esprit. Elle n'est pas le résultat unique de l'activité créatrice d'une personne physique. Le demandeur n'a pas personnellement créé l'œuvre, elle a été créée avec l'aide d'une intelligence artificielle, et il n'a pas été établi, dans la procédure, sur la base de quelle attribution spécifique cette image a été créée. » (Traduction libre de la décision tchèque).
En ce qui concerne le prompt qui aurait servi de base à la génération de l’image par l’IA, la juridiction considère qu’il renvoie au « thème » de l’image ou éventuellement de « l’idée », qui, on le sait en droit français également, ne sont pas protégeables au titre du droit d’auteur.
Le tribunal rejette donc la protection de l’image par le droit d’auteur.
Cette juridiction semble réticente à reconnaître la qualification d’œuvre de l’esprit d’une image générée par IA, du fait de l’intervention d’un outil autre que seule une personne physique dans la création de l’image finale.Cette décision, à première vue sévère à l’encontre des auteurs créant des œuvres avec l’assistance d’un système d’IA, insiste finalement davantage sur la question de la preuve des prompts imaginés et rédigés par l’auteur que sur la question de l’éligibilité ou non à la protection par le droit d’auteur d’une image créée avec l’assistance d’un système d’IA.
En ce sens, le jugement ne ferme pas totalement la voie à une protection par le droit d’auteur des créations assistées par IA, à la condition de rapporter la preuve d’une intervention humaine suffisante de l’auteur maniant l’outil.
Cette décision s’inscrit finalement dans le prolongement des décisions rendues par le Colombia District Court aux Etats-Unis et le Beijing Internet Court en Chine en 2023, qui ont toutes deux insisté sur l’importance de la démonstration d’un rôle actif prépondérant de l’auteur dans la création de l’image à l’aide du système d’IA.
En tout état de cause, il sera intéressant de rester attentif aux développements et autres décisions judiciaires de tribunaux européens ou communautaires pour savoir si cette position sera confirmée en Europe ou pas.