Article Droit de la concurrence, consommation et distribution | 06/11/24 | 12 min. | Alexandra Berg-Moussa Aurélien Micheli
De nouvelles lignes directrices sur les modalités de contrôle et de sanction des délais de paiement ont été publiées par la DGCCRF le 25 octobre 2024.
Ces lignes directrices contiennent plusieurs ajouts significatifs, présentés ci-après, par rapport aux précédentes lignes directrices du 2 décembre 2021.
1. Quels sont les paiements concernés ?
La DGCCRF précise que l'ensemble des paiements effectués dans le cadre de contrats de vente de marchandises ou de prestation de services par des entités exerçant une activité économique (activité de production, de distribution et de services y compris celles qui sont le fait de personnes publiques) peuvent être contrôlés.
2. Quels sont les pouvoirs de la DGCCRF ?
La DGCCRF précise que :
3. Quelles sont les sanctions encourues ?
Outre l’amende encourue en cas de dépassement des délais de paiement, la DGCCRF précise, s’agissant de la publication de la décision de sanction, que celle-ci peut avoir lieu à la fois sur le site internet de la DGCCRF et sur un journal d'annonces légales aux frais de l'entreprise sanctionnée.
4. Quels sont les documents dont les agents peuvent demander la communication ?
Parmi la liste – non exhaustive - des documents dont les agents peuvent exiger la communication à l’occasion d’un contrôle, la DGCCRF ajoute notamment la liste des fournisseurs (au format Excel) indiquant leur typologie et la liste des codes journaux utilisés. Quant aux grands livres (fournisseurs et clients) il est précisé qu’ils doivent être lettrés et au format Excel également.
La DGCCRF précise également que les documents à communiquer peuvent être demandés sous forme dématérialisée.
5. Quelles sont les causes exonératoires en cas de retards de paiement ?
5.1. Peut-on faire valoir sa bonne foi ?
Non. L'absence de volonté délibérée dans la commission des manquements ne remet pas en cause leur matérialité. En effet, aucun élément intentionnel n'est nécessaire pour caractériser des manquements aux délais plafonds de paiement. La DGCCRF considère que tout retard de paiement conduit automatiquement à une rétention de trésorerie bénéficiant indûment à la société débitrice et pénalisant la trésorerie de la société créancière.
5.2. Peut-on faire valoir l'existence d'un litige ?
Oui, s’agissant des seuls litiges dûment justifiés et portant sur une partie significative de la prestation ou de la marchandise concernée. Dans un tel cas, les factures en cause pourraient être écartées des constats de manquement. La DGCCRF précise également que l'exception d'inexécution (article 1219 du code civil) suppose une inexécution suffisamment grave et une proportionnalité de la réponse, qui ne peut être invoquée que concernant les obligations souscrites dans le cadre d'un même contrat.
5.3. Peut-on faire valoir des erreurs dans les enregistrements comptables ?
En principe, une comptabilité irrégulièrement tenue ne peut être invoquée par son auteur à son profit. D’ailleurs, sur le périmètre du contrôle, si la DGCCRF indique que les délais de paiement sont déterminés, en principe, sur la base des dates figurant dans le grand livre fournisseurs, il est également précisé qu’un échantillon de factures et d’avis de paiement pourra être recueilli afin de s’assurer qu’une éventuelle mauvaise tenue de la comptabilité n’est pas de nature à minorer l’ampleur réelle des retards de paiement et qu’en cas d’impossibilité d'exploiter la comptabilité, les délais de paiement pourront être analysés sur la base d'un échantillon aléatoire de factures, les résultats de l'analyse de cet échantillon étant ensuite extrapolés à l'ensemble des factures émises pendant la période de contrôle.
5.4. Peut-on faire valoir la transmission tardive de la facture par le créancier ?
Non, car il y a un principe de co-responsabilité (article L. 441-9 du code de commerce) bien établi, découlant du fait que l'acheteur doit réclamer la facture si le vendeur ne la lui a pas fournie dès la réalisation de la livraison ou de la prestation de services. La DGCCRF précise néanmoins que les factures ayant fait l'objet d'au moins une relance avant leur échéance légale (et uniquement celles-ci) pourront être écartées, sous réserve qu'une preuve de cette relance puisse être apportée. Les précédentes lignes directrices ne prévoyaient pas cette exigence de démonstration « d’au moins une relance ».
5.5 Peut-on faire valoir la non-conformité de la facture ?
Non car les règles relatives aux délais de paiement étant d'ordre public, le fait qu'une mention contractuelle ou légale soit manquante ou erronée sur la facture n'autorise pas le débiteur à la régler avec retard. Selon la DGCCRF, qui se réfère à l’avis de la CEPC n°19-11, dès lors que la facture mentionne suffisamment d'éléments pour permettre au débiteur de vérifier le bien-fondé de la dette qu'elle constate, il est tenu de la payer sans retard.
5.6 Peut-on faire valoir l'annulation de la facture par un avoir ?
Oui, s’agissant des seules factures pour lesquelles un avoir total a été émis avant l'échéance légale, elles peuvent être écartées. En revanche, si l'avoir porte sur une partie du montant de la facture, le montant restant doit être réglé avant l'échéance légale. Les précédentes lignes directrices ne prévoyaient pas cette distinction sur les avoirs.
5.7 Peut-on faire valoir l'accord du fournisseur pour être réglé au-delà de l'échéance légale ?
Non, la réglementation sur les délais de paiement étant d'ordre public, il n'est pas possible d'y déroger contractuellement pour prévoir un paiement au-delà de l’échéance légale, ou via un accord entre les deux parties qui prendrait une autre forme qu’un contrat en bonne et due forme d’ailleurs.
5.8 Peut-on faire valoir un délai de paiement moyen inférieur au plafond légal ?
Non, car les délais de paiement visés au code de commerce étant des maximums, tout dépassement est constitutif d'un manquement. Le calcul d’une « moyenne » est donc inopérant, la DGCCRF précisant que des paiements avant l'échéance légale ne pouvant compenser des dépassements, y compris dans l'hypothèse où ils concernent les mêmes fournisseurs.
5.9 Peut-on faire valoir des difficultés liées au processus interne de traitement des factures ?
Non, selon la DGCCRF ces justifications sont inopérantes : un fournisseur n'a pas à subir les conséquences de l'organisation interne de son client, et le non-respect d’une obligation contractuelle de fournir certains documents ne peut par exemple pas justifier le non-respect de l'échéance légale de paiement.
6. Sanctions : comment est déterminé le montant de l’amende ?
La DGCCRF rappelle que le critère principal de détermination de l'amende est le montant de la rétention de trésorerie générée, avec la formule de calcul habituellement appliquée pour calculer les gains en besoin de fonds de roulement (BFR) générés par le retard de paiement. Elle précise à ce titre qu’en cas de contrôle d'un échantillon aléatoire de factures du fait du caractère inexploitable de la comptabilité, le gain en BFR est estimé en fonction de la part du montant total des factures de l'échantillon réglées en retard. D’autres critères entrent en ligne de compte, comme la taille de l’entreprise, l’importance relative du retard par rapport au délai maximum prévu par la réglementation ; la situation financière de l’entreprise et l’éventuelle réitération des manquements.
7. Sanctions : quel support de publication ?
La DGCCRF rappelle que Les amendes prononcées font l'objet d'une publication, sous un mois à compter de la notification de la sanction, sur le site internet de la DGCCRF pour une durée variant en fonction de la gravité des faits et n'excédant jamais 12 mois, ainsi que dans un support d'annonces légales. D’autres supports de communication peuvent également être envisagés pour la publication, pour les manquements les plus graves.