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L’Union européenne adopte un 15eme train de sanctions à l’encontre de la Russie

Article Compliance | 17/12/24 | 8 min. | Olivier Attias Sophie Peter Noureen Nhari

Le 16 décembre 2024, le Conseil de l’Union européenne a adopté un 15 train de mesures restrictives contre la Russie, incluant des sanctions individuelles et commerciales.

Cette initiative de dernière minute cible spécifiquement les stratégies de contournement des sanctions, telles que la « flotte fantôme » pilotée par Moscou, ainsi que le complexe militaro-industriel russe.

Décliné en trois règlements et de deux décisions, ce train de sanctions fait suite aux conclusions du 17 octobre 2024 du Conseil européen, qui dénonçaient une violation flagrante de la Charte des Nations unies et appelaient à la mise en œuvre pleine et effective des sanctions et à de nouvelles mesures pour contrecarrer leur contournement, y compris par l'intermédiaire de pays tiers.

  1. Sanctions individuelles : de nouvelles cibles identifiées

Ce nouveau paquet de mesures inclut l’inscription de 84 personnes et entités à la liste des sanctions.

Parmi les individus visés figurent :

  • l’unité militaire responsable de l’attaque contre l’hôpital pour enfants Okhmadyt à Kyiv ;
  • des dirigeants d’entreprises opérant dans le secteur de l’énergie ;
  • des responsables impliqués dans la déportation d’enfants ukrainiens, la propagande et les stratégies de contournement des sanctions ; et
  • le ministre de la Défense et le chef adjoint de l’État-major général de la Corée du Nord.

Ce nouveau paquet cible également des opérateurs stratégiques, telles que des entreprises de défense russes ainsi que des compagnies maritimes impliquées dans le transport de pétrole brut et de produits pétroliers, qui sont des sources de revenus importantes pour la Russie. De plus, une usine chimique et une compagnie aérienne civile russe fournissant un soutien logistique crucial à l'effort de guerre sont également visées.

A noter que, pour la première fois, des sanctions significatives — incluant des interdictions de voyage, le gel des avoirs et des restrictions commerciales — sont imposées à des acteurs chinois accusés de fournir à la Russie des composants pour drones et des équipements microélectroniques à des fins militaires.

  1. Elargissement des restrictions d’ordre commercial

Le Conseil européen a ajouté 32 nouvelles entités à la liste des organismes soutenant directement le complexe militaro-industriel russe. Ces dernières seront soumises à des restrictions accrues concernant l’exportation de biens à double usage ainsi que de technologies susceptibles d’améliorer les capacités militaires russes.

Certaines entités opèrent depuis des pays tiers, comme la Chine, l’Inde, l’Iran, la Serbie et les Émirats arabes unis, où il est estimé qu’elles jouent un rôle central dans le contournement des sanctions et la livraison d’équipements stratégiques tels que des drones et des missiles.

  1. Lutte contre la « flotte fantôme » et le contournement des sanctions

Pour entraver les opérations de contournement des sanctions, 52 navires supplémentaires sont dorénavant interdits d’accès aux ports européens et privés de services maritimes. Cette mesure cible des navires transportant du matériel militaire ou des céréales ukrainiennes pillées, ainsi que des pétroliers appartenant à la « flotte fantôme » russe, accusée de contourner le plafonnement des prix du pétrole et de soutenir le secteur énergétique de Moscou. A noter que le navire « Christophe de Margerie », qui fut le premier d’une flotte de méthaniers brise-glaces spécialement conçus pour exporter le gaz naturel liquéfié (GNL) produit par l’usine Yamal LNG, est désormais visé par ces restrictions.

  1. Protection de certains intérêts européens

L’Union européenne interdit désormais la reconnaissance et l’exécution sur son territoire de décisions judiciaires russes rendues sur la base de l’article 248 du Code de procédure arbitrale de la Fédération de Russie, afin de protéger les entreprises européennes de sanctions financières. Selon l’Union européenne, ces décisions restreignent les droits des entreprises à engager des procédures en dehors de la Russie (« anti-suit injunctions ») et enfreignent les principes juridiques internationaux dans le règlement des litiges commerciaux internationaux.

En réponse à l'augmentation des litiges et des mesures de rétorsion en Russie, qui permettent à certaines entités désignées et à leurs clients sous-jacents de saisir les actifs de dépositaires centraux de titres dans l'Union européenne détenus en Russie sans le consentement préalable desdits dépositaires, une dérogation a été introduite pour débloquer certains soldes de trésorerie des dépositaires centraux de titres (CSD) de l'Union européenne. Désormais, ces derniers peuvent demander aux autorités compétentes des États membres de dégeler des soldes de trésorerie afin d'utiliser ces fonds, qui ne sont plus dus à des entités désignées, pour remplir leurs obligations légales envers leurs participants.

En outre, il est désormais prévu que la gestion, par un dépositaire central de titres concerné, d’avoirs faisant l’objet d’une transaction interdite, ainsi que la gestion des soldes de trésorerie provenant de ces avoirs, n’entraîne pour ce dépositaire, sa direction et ses employés aucune responsabilité de quelque nature que ce soit, à moins qu’il ne soit établi que l’action résulte d’une négligence.

  1. Prorogation de certains délais pour obtenir des dérogations auprès des autorités nationales compétentes

Les délais d’application de certaines dérogations pour les désinvestissements en Russie ont été exceptionnellement prolongés jusqu'au 31 décembre 2025, permettant ainsi aux opérateurs européens encore implantés sur le territoire Russe de se retirer de ce marché. Il est disposé que ces dérogations prolongées sont accordées au cas par cas par les États membres, principalement pour faciliter un processus ordonné de cession d’actifs, qui ne serait pas réalisable sans cette prorogation.

Il convient de rappeler que les délais précédemment fixés par le Règlement 833/2014 devaient expirer le 31 décembre 2024. Il est également important de noter que plusieurs États membres, notamment les pays baltes, ont vigoureusement plaidé pour la suppression de ce délai, jugeant inadmissible la présence continue d'opérateurs européens en Russie.

Le Conseil souligne que les opérateurs doivent être conscients du fait que la Russie n'applique plus l'État de droit et a adopté plusieurs lois ciblant les actifs des entreprises provenant de « pays hostiles », incluant les États membres. En raison des risques associés à la poursuite des activités en Russie, les opérateurs de l'Union sont explicitement invités à envisager de cesser leurs opérations commerciales en Russie ou de s'abstenir d'en initier de nouvelles.

On ne peut donc exclure que la prolongation du délai de dérogation introduit par ce dernier paquet de sanctions offre une ultime opportunité aux groupes européens encore présents en Russie d'organiser leur retrait. Cela inclut l'élaboration de « plans de contingence », les obligeant à anticiper l’échéance du 31 décembre 2025 et à prendre les mesures nécessaires pour minimiser leur exposition aux risques économiques et juridiques associés à leurs activités sur le territoire russe.

Evidemment, le contexte politique aux Etats-Unis et au Moyen-Orient et le possible changement de dogme en matière de sanctions internationales seront autant de défis en 2025 pour l’harmonisation des régimes des mesures restrictives internationales à l’encontre de la Russie. Près de trois ans après l’invasion Russe, ces développements internationaux pourraient fragiliser la stratégie déployée par ces 15 trains de sanctions successivement adoptés par l’Union européenne.

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