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Premières questions au sujet du « Trade Deal » conclu le 27 juillet entre le président Trump et la présidente de la Commission européenne

Communiqué Droit européen | 28/07/25 | 5 min. | Pierre Sellal

1. Peut-on parler d’un « accord » entre l’Union européenne et les États-Unis ?

Les annonces faites en Ecosse le 27 juillet relèvent plutôt d’une décision unilatérale des États-Unis (imposition de droits de douane à hauteur de 15 %, sauf exceptions, sur les importations en provenance de l’UE), à laquelle l’UE « acquiescerait » implicitement en renonçant à appliquer les contre-mesures (relèvement des droits de douane à hauteur de 30 % sur 93 milliards d’importations en provenance des États-Unis) dont elle avait agité la menace de la mise en œuvre d’ici le 7 août. En outre, l’UE avait suspendu jusqu’en août et jamais mis œuvre les contremesures sur 21 milliards de produits américains qu’elle avait annoncées en avril dernier, en réaction aux premières mesures tarifaires américaines.

Par ailleurs, pour ce qui concerne l’UE, la Commission est compétente pour négocier au nom de l’UE, sur mandat du Conseil, mais n’a pas la capacité d’engager juridiquement l’UE et ses Etats membres. Le Conseil aura à se prononcer sur le rapport des discussions que lui présente dès aujourd’hui la Commission.

Du côté américain, en dépit des procédures judiciaires contestant certaines des décisions antérieures prises dans ce domaine par l’administration Trump, et de la compétence théorique du Congrès en matière de politique commerciale, force est de constater que l’exécutif a pu jusqu’ici imposer unilatéralement sa politique, y compris dans ses revirements successifs.

 
2. L’accord va-t-il réduire les incertitudes dont pâtissaient les entreprises et leur apporter la stabilité et la prévisibilité auxquelles elles aspirent ?

Les revirements multiples des annonces américaines avaient engendré incertitude et attentisme. Les menaces les plus récentes (des droits à hauteur de 30 %) avaient provoqué une grande inquiétude. Aussi est il compréhensible que certains gouvernements et secteurs aient exprimé un soulagement après les annonces du 27 juillet. Toutefois, rien ne garantit que cet « accord », faute de se traduire par un engagement juridique bilatéral véritablement contraignant (à supposer même que l’administration américaine actuelle s’estime tenue de respecter de tels engagements), ne soit pas susceptible d’altérations voire de remises en cause par les États-Unis, s’ils devaient estimer que l’UE manque à ses propres engagements, voire aux attentes américaines (notamment en matière d’application des règles européennes aux entreprises américaines de l’économie numérique).

Au-delà, le président Trump a affirmé fortement qu’un accord, avec quelque partenaire que ce soit, n’avait de pertinence et de validité que s’il servait les intérêts de l’économie américaine. Si tel n’était pas le cas, selon sa propre appréciation, il n’hésiterait probablement pas à revenir sur les engagements pris.

 
3. Quels sont les changements apportés à la situation telle qu’elle prévalait jusqu’ici ?

- Les droits de douane moyens sur les importations européennes aux États-Unis étaient au début de cette année de 4,7 %. Le droit de base de 15 % désormais appliqué représente donc un triplement de ces droits. Toutefois, les importations européennes supportaient depuis avril dernier un droit additionnel de 10 %. Ainsi, le taux de 15 % qui serait désormais applicable équivaut à un statu quo, il représente cependant près de 4 fois le taux moyen appliqué par l’UE aux biens américains à l’entrée sur le territoire européen, qui est de l’ordre de 4 %.

- Le droit de 15 % se substituerait à la taxe à l’importation de 27,5 % qui frappait depuis avril le secteur automobile et les semi-conducteurs. Il s’agirait donc pour ces biens d’une « amélioration » relative. Mais ces droits dans le secteur automobile n’étaient encore que de 2,5 % au début de cette année.

- Une incertitude pèse sur les produits pharmaceutiques. Ceux-ci seraient couverts par l’accord et donc le taux de 15 % leur serait applicable selon la présidente de la Commission, ce qui n’a pas été confirmé du côté américain.

- Des discussions devraient avoir lieu ultérieurement au sujet de l’acier et de l’aluminium, actuellement frappés à l’entrée aux États-Unis par des droits de 50 %.

 
4. Quelle est la portée des engagements financiers additionnels annoncés par la présidente de la Commission ?

Ursula von der Leyen a annoncé dans sa conférence de presse à Turnberry 3 engagements du côté européen : acheter des produits énergétiques américains (surtout du GNL) pour un montant de 750 milliards de dollars au cours des 3 prochaines années ; investir 600 milliards de dollars aux États-Unis ; acheter un volume indéterminé d’équipements militaires américains.

La Commission ne dispose à l’évidence d’aucune compétence et n’avait reçu aucun mandat pour engager les Etats membres et les entreprises européennes dans ces trois domaines. Ces promesses paraissent en outre orthogonales par rapport aux politiques européennes (réduire la dépendance aux énergies fossiles ; mobiliser l’épargne européenne au bénéfice de l’investissement en Europe ; développer l’industrie européenne de défense).

Cependant, ces engagements sont caractéristiques de la méthode mise en œuvre avec succès par l’administration Trump, avec le Japon, le Royaume-Uni et à présent l’UE : user de l’arme commerciale et des droits de douane comme un levier pour exiger et obtenir concessions et engagements dans les domaines les plus divers. Ces dernier sont un élément supplémentaire de fragilité de l’accord commercial, un manquement dans ces domaines pouvant devenir le prétexte à une révision des dispositions tarifaires.

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