
Article IT et données personnelles Droit de la concurrence, consommation et distribution Contrats commerciaux et internationaux Droit de la propriété intellectuelle, média et art | 13/04/12 | 5 min. | Mahasti Razavi Alexandra Berg-Moussa
Les accords interprofessionnels dérogatoires aux plafonds légaux ayant expiré au 31 décembre 2011, les professionnels attendaient beaucoup de la transposition de la Directive 2011/7/UE du 16 février 2011 concernant la lutte contre le retard de paiement dans les transactions commerciales (la « Directive »), et notamment de son article 3.5 qui laissait espérer à certains un retour à la possibilité de négocier des délais de paiement supérieurs aux plafonds légaux de 60 jours nets ou 45 jours fin de mois, à compter de la date de facture.
En effet, l’article 3.5 de la Directive prévoit que « Les États membres veillent à ce que le délai de paiement fixé dans le contrat n’excède pas soixante jours civils, à moins qu’il ne soit expressément stipulé autrement par contrat et pourvu que cela ne constitue pas un abus manifeste à l’égard du créancier au sens de l’article 7. »
Or, la Directive a été transposée dans le cadre de la Loi n° 2012-387 du 22 mars dernier (JO 23 mars, p5226), 4ème loi de simplification du droit (la « Loi »), et il est fort probable que la transposition décevra le plus grand nombre concernant la question des délais de paiement entre professionnels.
En effet, l’article 121 III de la Loi se contente de renouveler la possibilité pour les entreprises de négocier des nouveaux accords interprofessionnels dérogatoires sous réserve que ces accords :
- relèvent de secteurs ayant déjà été couverts par les accords interprofessionnels précédents et portent sur des ventes de produits ou des prestations de services qui présentent un caractère saisonnier particulièrement marqué rendant difficile le respect du plafond légal ;
- fixent des délais inférieurs aux délais de paiement applicables au 31 décembre 2011 au titre des accords antérieurs applicables;
- soient conclus dans les 6 prochains mois et validés par décret pris après avis de l’Autorité de la concurrence;
- aient une durée maximum de 3 ans.
Ainsi, l’exception aux plafonds légaux existe bien mais son encadrement est tel que son application restera sans doute limitée.
L’ACTION DU MINISTRE DE L’ÉCONOMIE DE L’ARTICLE L. 442-6, III : SUITE ET FIN ?
Ayant été saisie par Galec condamnée à restituer à certains fournisseurs (par l’intermédiaire du Trésor Public) plus de 23 millions d’euros devant les juridictions françaises, la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) vient de considérer dans une décision du 17 janvier 2012 que même si l’obligation d’information des fournisseurs de la part du ministre de l’économie semble être un impératif de protection desdits fournisseurs, un défaut d’information de ces derniers ne cause pas nécessairement préjudice au distributeur en le privant d’un procès équitable dans la mesure où celui-ci est libre d’attraire ses cocontractants à l’instance.
Dès lors, selon la CEDH, l’action du ministre est conforme à la Convention Européenne des droits de l’Homme et ce, même en l’absence d’information des fournisseurs concernés.
On se souvient du rebondissement intervenu à l’occasion de deux décisions du 13 décembre 2011 du Tribunal de commerce de Créteil qui déclarait que faute pour le ministre de pouvoir démontrer avoir informé les fournisseurs victimes de pratiques abusives de l’introduction de son action contre les distributeurs en cause, cette action était irrecevable (en référence à la réserve apportée par le Conseil constitutionnel le 13 mai 2011).
Cette approche divergeait de décisions rendues précédemment par d’autres tribunaux de commerce (Lille et Meaux respectivement en septembre et décembre 2011), créant ainsi une disparité d’interprétation porteuse d’insécurité juridique.
La décision de la CEDH, ainsi qu’une nouvelle décision du Tribunal de commerce de Meaux du 24 janvier 2012 ayant « validé » l’action du ministre même en l’absence d’information des fournisseurs concernés, apportent de nouveaux éléments. S’agit-il de la fin de la « saga » portant sur la recevabilité de l’action du ministre en cas d’absence d’information des fournisseurs ? A voir…
DÉSÉQUILIBRE SIGNIFICATIF : DE NOUVEAUX EXEMPLES
Dans la décision du Tribunal de Commerce de Meaux du 24 janvier 2012 précitée, les juges ont considéré que :
- Le fait d’imposer aux fournisseurs une clause de reprise des invendus de manière indifférenciée à tous les produits en stock constitue un déséquilibre significatif dans la relation avec les fournisseurs. Le principe de licéité de la reprise des invendus n’est pas remis en cause, mais c’est le fait de mettre systématiquement le risque d’invendus à la charge du fournisseur qui l’est ;
- Si le fait de prévoir une possibilité d’évolution des prix par une clause de révision de prix est licite, en revanche la différence de traitement entre les modalités dans lesquelles les tarifs du fournisseur peuvent évoluer à la baisse ou à la hausse crée un déséquilibre significatif.
ARTICLE L.330-3 DU CODE DE COMMERCE : ATTENTION AUX OPÉRATIONS DE CESSION
L’article L. 330-3 du code de commerce impose à celui qui met à la disposition d’une autre personne un nom commercial, une marque ou une enseigne en exigeant d’elle un engagement d’exclusivité ou de quasi-exclusivité pour l’exercice de son activité, de fournir à son cocontractant, avant la signature de tout contrat, un document donnant un certain nombre d’informations.
Cet article, qui définit une obligation d’information précontractuelle spécifique prévue par la loi et par décret, trouve régulièrement à s’appliquer dans le cadre des réseaux de type franchise ou concession, le franchiseur ou le concédant étant ceux sur lesquels pèsent alors cette obligation.
C’est dans le contexte d’un contrat de concession que la décision de la Cour de cassation du 21 février 2012 est intervenue. A l’occasion de la cession d’un fonds de commerce par un concessionnaire nautique, le concédant agrée le cessionnaire du fond, qui devient donc son nouveau concessionnaire. Puis le concédant résilie le contrat de concession en invoquant des manquements contractuels du nouveau concessionnaire. Ce dernier assigne alors le concédant en dommages et intérêts en invoquant le fait que le concédant n’a pas respecté l’obligation d’information précontractuelle de l’article L. 330-3 du code de commerce. Les juges du fond considèrent que l'obligation d'information précontractuelle, édictée par l'article L.330-3 du code de commerce s'impose au concédant avant la conclusion du contrat de concession et non lors d'une cession d'un contrat en cours, et rejettent la demande du nouveau concessionnaire.
Pour la Cour de cassation en revanche, dès lors que le concédant a agréé le nouveau concessionnaire, la modification du contrat initial imposait que le concédant fournisse à son nouveau cocontractant les informations visées à l’article L. 330-3 du code de commerce afin de permettre à ce nouveau concessionnaire de s'engager en connaissance de cause à exécuter le contrat de concession. La Cour de cassation casse l’arrêt d’appel sur ce point et renvoie les parties devant les juges du fond./.
Mahasti Razavi - Associée
Alexandra Berg-Moussa - Counsel