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Encore une nouvelle règlementation du « prix de référence » à venir ?

Article IT et données personnelles Droit de la concurrence, consommation et distribution Contrats commerciaux et internationaux | 03/06/16 | 6 min. | Alexandra Berg-Moussa

Par une ordonnance du 8 septembre 2015, la Cour de justice de l’Union Européenne (« CJUE ») a confirmé, au sujet de la règlementation française imposant des restrictions en matière d’annonces de réduction de prix, que les Etats membres ne peuvent prévoir une interdiction générale des annonces de réduction de prix ne faisant pas apparaitre de prix de référence. Une évaluation au cas par cas s’avère donc impérative afin d’établir le caractère déloyal ou non d’une annonce de réduction de prix, conformément aux dispositions de la Directive 2005/29/CE du 11 mai 2005 relative aux pratiques commerciales (« la Directive »).

Pour mémoire, l’arrêté du 31 décembre 2008, visé par la décision de la CJUE, prévoyait une mention obligatoire du prix de référence lors des annonces de réduction de prix, et définissait par ailleurs restrictivement la notion de prix de référence.

Cet arrêté avait récemment été abrogé par la France, à la suite d’une décision de la CJUE du 10 juillet 2014 ayant sanctionné la Belgique pour non-conformité de sa législation imposant des restrictions en matière d’annonces sur les réductions de prix. Cette règlementation prévoyait notamment l’obligation de la mention d’un prix de référence, défini par la loi belge comme étant le prix le plus bas appliqué au cours du mois précédent le premier jour du nouveau prix.

Le nouvel arrêté supprimant la définition légale du prix de référence

A la suite de cet arrêt, l’arrêté du 11 mars 2015 (« l’Arrêté ») est venu abroger l’arrêté du 31 décembre 2008 et encadrer moins restrictivement les annonces de réduction de prix à l’égard du consommateur.

L’article 2 de l’Arrêté précise désormais que lorsqu’une annonce de réduction de prix est faite dans un établissement commercial, l’étiquetage, le marquage ou l’affichage des prix réalisés doivent préciser
(i) le prix réduit annoncé et
(ii) le prix de référence, qui est déterminé par l’annonceur et à partir duquel la réduction de prix est annoncée.

Ainsi, le nouvel Arrêté n’imposait déjà plus aux annonceurs de déterminer la réduction de prix par rapport à un prix de référence défini légalement, ce dernier étant désormais défini au cas par cas par l’annonceur.

Cependant, l’annonceur doit toujours, au titre de l’Arrêté,
(i) mentionner un prix de référence et
(ii) être en mesure de justifier le prix de référence qu’il utilise (article 4 de l’Arrêté).

Ainsi, la détermination du prix de référence est plus souple qu’auparavant et le professionnel dispose d’une plus grande liberté dans sa pratique d’annonces de réduction des prix à l’égard du consommateur, sous réserve qu’elle ne constitue pas une pratique commerciale déloyale au sens de l’article L.120-1 du code de la consommation.

L’opposition de la CJUE à l’interdiction générale des annonces de réduction de prix ne faisant pas apparaître le prix de référence

Dans le cadre d’une procédure engagée contre un grand distributeur en ligne au sujet de l’absence d’indication de prix de référence lors de ventes à prix réduit effectuées sur son site internet, la Cour de cassation a introduit un recours préjudiciel devant la CJUE en interprétation de la Directive relative aux pratiques commerciales déloyales au regard de l’arrêté de 2008 (qui n’avait pas encore été abrogé au moment de la saisine de la CJUE).

Il s’agissait de savoir si la Directive doit être interprétée comme s’opposant à des dispositions nationales prévoyant une interdiction générale des annonces de réduction de prix ne faisant pas apparaitre le prix de référence.

Dans ce contexte, la CJUE a estimé que :

  1. La règlementation française concernée porte sur le marquage ou l’affichage des annonces de réduction de prix, lesquelles constituent des pratiques commerciales au sens de l’article 2, sous d) de la Directive et relevant ainsi du champ d’application de la Directive.
  2. La Directive procède à une harmonisation complète des règles relatives aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs. Ainsi les Etats membres ne peuvent adopter des mesures plus restrictives que celles définies par la Directive. Seules les pratiques commerciales incluses dans la liste exhaustive de l’annexe I de la Directive, parmi lesquelles ne figurent pas la pratique visée, sont alors susceptibles d’être considérées comme déloyales en toutes circonstances sans faire l’objet d’une étude au cas par cas.
  3. Au sens de la Directive, les annonces de réduction de prix ne faisant pas apparaître le prix de référence lors du marquage ou de l’affichage ne peuvent faire l’objet d’une interdiction générale sans évaluation au cas par cas permettant d’établir leur caractère déloyal à la lumière des critères établis par les articles 5 à 9 de la Directive.

Ainsi, des dispositions nationales ne peuvent pas interdire de manière générale les annonces de réduction de prix qui ne font pas apparaitre le prix de référence lors du marquage ou de l’affichage des prix.

Une nouvelle règlementation française à venir ?

Même si le législateur français a pris les devants en abrogeant l’arrêté du 31 décembre 2008 à la suite de la première décision de la CJUE sur la législation belge en 2014, et bien qu’offrant davantage de liberté aux professionnels quant à la détermination du prix de référence, le nouvel Arrêté prévoit encore une obligation de marquage ou d’affichage d’un prix de référence lors des annonces de réduction de prix.

Or, l’ordonnance de la CJUE du 8 septembre 2015 établit clairement la non-conformité avec la Directive d’une prohibition générale des annonces de réduction de prix qui ne font pas apparaitre le prix de référence.

Ainsi, le nouvel Arrêté semble lui aussi en contrariété avec la Directive.

En conséquence, il semblerait que la règlementation française ait de nouveau besoin d’être modifiée.

Ainsi, un nouveau texte devrait à l’avenir supprimer l’obligation d’affichage d’un prix de référence. Sans se mettre à la place du législateur, l’on imagine que la voie choisie par ce dernier pourrait néanmoins ne pas aller jusqu’à supprimer totalement cette notion, mais plutôt vers celle consistant à prévoir que si l’annonceur opte pour une annonce de réduction de prix sous la forme d’un double marquage (ou prix barré) avec prix de référence (toujours choisi librement par l’annonceur), cet affichage ou marquage devra être réalisé de manière loyale. Ceci permettrait en outre au législateur de maintenir l’obligation pour le professionnel de pouvoir justifier de la réalité du prix de référence que ce dernier utiliserait, aux fins de vérifier que l’annonce de réduction de prix ne constitue pas une pratique commerciale déloyale.

En d’autres termes, l’obligation (indiquer un prix de référence) se transformerait en option, encadrée toutefois par la nécessité de pouvoir démontrer et justifier la réalité du prix de référence utilisé, le cas échéant, par l’annonceur.

Ajoutons également que même en l’absence d’une obligation d’affichage d’un prix de référence, l’annonceur peut toujours être tenu, en cas de contrôle, de justifier de la réalité de la baisse ou réduction de prix qu’il annonce et de la loyauté de son annonce, et que cette démonstration nécessitera la justification et la communication d’un prix de référence documenté auprès des autorités.

La disparition du marquage ou de l’affichage du prix de référence en pratique ?

Cette ordonnance de la CJUE contribue à la libéralisation des pratiques promotionnelles certes, mais en pratique, cette ordonnance et l’éventuel nouveau texte qui en découlera sur la question des annonces de réductions de prix à l’égard du consommateur, entraineront-ils de vrais bouleversements pour les annonceurs ?

Il nous parait légitime de s’interroger sur cette question. En effet, en termes de marketing et de communication, n’est-il pas toujours plus attractif et efficace d’annoncer une réduction de prix en affichant un montant « de départ » à partir duquel la réduction s’applique (c’est-à-dire un prix de référence), justifiant ainsi de l’importance de la réduction dont le consommateur peut bénéficier ?

Si en théorie le professionnel aura davantage de liberté quant au fait d’afficher ou pas un prix de référence, l’intérêt de continuer à faire apparaître un tel prix de référence reste à notre sens indéniable afin de capter l’attention du consommateur sur la réduction qui lui est accordée (et qui est annoncée), surtout dans un contexte où les consommateurs sont sans cesse sollicités par des annonces de promotions, prix cassés, réductions exceptionnelles, etc. de plus en plus régulières et nombreuses tout au long de l’année./.

Alexandra Berg-Moussa, counsel

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