Article Brevets | 27/01/20 | 7 min. | François Pochart Océane Millon de La Verteville
Les impacts du Décret n°2020-24 du 13 janvier 2020 sur la gestion des droits de propriété intellectuelle : focus sur les contrats de recherche public-privé et le mandataire unique des entités publiques
Le décret n°2020-24, qui vient remplacer le décret n°2014-1518, modifie le mode de désignation du mandataire unique prévu à l’article L. 533-1 du code de la recherche (en charge de la gestion et de la valorisation des résultats co-détenus par des personnes publiques), élargit ses missions, prévoit des obligations à la charge des personnes publiques copropriétaires vis-à-vis du mandataire unique et certaines autres règles de gestion de la copropriété publique. Ces dispositions « valent règlement de copropriété au sens de l'article L. 613-32 du code de la propriété intellectuelle [entre les personnes publiques copropriétaires]» [1] c’est-à-dire qu’elles dérogent aux dispositions des articles L.613-29 à L.613-31 dudit code.
Le mandataire unique
Précédemment désigné pour chaque dépôt de demande de brevet prioritaire, un mandataire unique doit désormais être désigné par unité de recherche, et éventuellement « un autre mandataire unique » pour un domaine d’exploitation défini. Lorsque plusieurs unités de recherche publique sont impliquées, le mandataire unique sera celui de l'unité « dont les inventeurs ont la contribution la plus importante ». A contributions égales, le mandataire unique sera celui ayant notifié en premier aux mandataires uniques des autres unités sa décision de protéger et valoriser ce résultat[2]. Les entreprises privées tendront à ce qu’un seul mandataire unique soit désigné pour représenter toutes les personnes publiques impliquées dans un contrat public-privé, et ce dès la négociation du contrat.
Les délais pour procéder à la désignation du mandataire unique sont réduits à un mois. A défaut de désignation, « tout agent ayant contribué à l’obtention d’un résultat, ou tout tiers intéressé à connaître le mandataire unique d’un résultat » peut former recours auprès du recteur de région académique[3].
Le mandataire unique peut être l’une des personnes publiques partie à l’activité de recherche, une personne morale de droit privé, ou une personne publique tierce[4] ; il peut confier tout ou partie de ses missions à une personne morale de droit public ou de droit privé[5].
Les missions et obligations du mandataire unique
Le champ de compétence du mandataire unique couvre désormais non seulement les inventions mais également toutes « connaissances techniques, logiciels, bases de données protégeables par le code de la propriété intellectuelle ou savoir-faire protégés »[6].
Il est désormais chargé « à titre exclusif, au nom et pour le compte des personnes publique copropriétaires » de prendre les décisions qui jalonnent la vie d’un brevet : déposer la demande, l’étendre à l’étranger, répondre aux lettres officielles ou aux oppositions, ou encore maintenir les titres en vigueur. Ce rôle va jusqu’à l’exploitation, dont la négociation et la signature de licences, ou même de cessions[7], ce qui était auparavant expressément exclu de ses compétences[8].
De nombreuses obligations pèsent sur le mandataire unique pour que l’information circule au sein des personnes publiques qu’il représente[9]. On peut s’attendre à ce que certaines de ces obligations se reflètent dans les accords conclus avec les partenaires privés : par exemple, l’obligation pour le mandataire unique d’informer les copropriétaires publics ainsi que les inventeurs publics des décisions d’abandon « au moins quatre mois avant tout abandon ».
Les entreprises privées, membres d’un consortium, qui seront tentées d’être le mandataire commun de tous les copropriétaires (y compris des personnes publiques) devront être vigilantes à ne pas prendre à leur charge certaines des obligations du mandataire unique des personnes publiques. En particulier, les obligations pesant sur le mandataire unique d’informer « les personnes publiques copropriétaires et le cas échéant, les inventeurs ou auteurs, fonctionnaires ou agents de l'Etat et salariés de personnes publiques ayant directement participé à l'obtention du résultat » de tous les actes de procédure brevet (et pas seulement !) pourraient être lourdes à gérer.
Autres règles de gestion de la copropriété
Le décret prévoit également des règles de gestion de la copropriété. Il prévoit en particulier le principe de redistribution des revenus d’exploitation à parts égales entre les personnes publiques copropriétaires à défaut d’accord préalable[10].
Il prévoit aussi que lorsque l’une des personnes publiques copropriétaires d’un résultat envisage de céder sa quote-part de propriété, les autres personnes publiques copropriétaires de ce même résultat disposent d’un droit de préemption sur la quote-part en cause[11].
Le décret est disponible ici :
https://www.legifrance.gouv.fr/eli/decret/2020/1/13/ESRR1930539D/jo/texte.
Il précise l’article L. 533-1 du code de la recherche :
[1] Art L 533-1, V du code de la recherche
[2] Art. 2 du décret n°2020-24
[3] Art. 5 du décret n°2020-24
[4] Art. 4 du décret n°2020-24
[5] Art. 11 du décret n°2020-24
[6] Art L 533-1, V du code de la recherche
[7] Art. 8 du décret n°2020-24
[8] Art. 2 du décret n°2014-1518
[9] Art. 9 du décret n°2020-24
[10] Art. 10 du décret n°2020-24
[11] Art. 10 du décret n°2020-24