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Relations commerciales entre fournisseurs et distributeurs : implications de la loi ASAP

Article IT et données personnelles Droit de la concurrence, consommation et distribution Contrats commerciaux et internationaux | 23/11/20 | 9 min. | Aurélien Micheli Alexandra Berg-Moussa

La loi d’accélération et de simplification de l’action publique (loi « ASAP ») a été définitivement adoptée par le Parlement le 28 octobre 2020. La promulgation de la Loi ASAP est attendue, en principe, dans les prochains jours, une fois que le Conseil Constitutionnel, saisi le 3 novembre 2020, aura rendu sa décision quant à sa constitutionnalité.

La loi ASAP contient des dispositions qui – si elles sont promulguées sans changement - vont directement impacter les relations fournisseurs / distributeurs.
 

Prolongation du relèvement du seuil de revente à perte et de l’encadrement des promotions pour les produits alimentaires jusqu’au 15 avril 2023

 

L’ordonnance n°2018-1128 du 18 décembre 2018, prise en application de loi Egalim n°2018-938 du 30 octobre 2018, avait prévu un relèvement de 10 % du seuil de revente de perte (« SRP »), ainsi qu’un encadrement des promotions en valeur (34 %) et en volume (25 %), pour les denrées alimentaires et les produits destinés à l’alimentation des animaux de compagnie. Initialement, ces dispositions étaient applicables pour une durée de deux ans[1].

La loi ASAP abroge l’ordonnance susvisée mais réaffirme les conditions de relèvement du SRP et de l’encadrement des promotions en valeur et en volume pour les denrées et les produits concerné(e)s, et ce désormais jusqu’au 15 avril 2023.

Une nouveauté cependant : la loi ASAP prévoit une dérogation spécifique à l’encadrement des promotions en volume (25 %) pour certaines denrées ou catégories de denrées alimentaires saisonnières, dont la liste devra être déterminée par arrêté ministériel.

Cette dérogation ne pourra s’appliquer que si, au cours de l’année civile, plus de la moitié des ventes des denrées ou catégories de denrées concernées aux consommateurs est, de façon habituelle, concentrée sur une durée n’excédant pas douze semaines au total.

L’interprofession représentative des denrées ou catégories de denrées concernées (ou, à défaut, une organisation professionnelle représentative) devra formuler une demande motivée en ce sens.

Le Gouvernement devra remettre deux rapports d’évaluation des effets des dispositions susvisées sur la construction des prix de vente des produits et denrées susvisés, et le partage de valeur entre fournisseurs et distributeurs, respectivement avant le 1er octobre 2021 et avant le 1er octobre 2022.

Ces dispositions sont applicables aux contrats en cours d’exécution à la date d’entrée en vigueur de la loi ASAP.

Il importe de rappeler que le fait de revendre ou d'annoncer la revente d'un produit en l'état à un prix inférieur à son prix d'achat effectif est notamment puni d’une amende de 75 000 € pour une personne physique, et de 375 000 € pour une personne morale[2].Tout manquement à la réglementation sur l’encadrement des promotions par le fournisseur ou le distributeur sera passible d’une amende administrative de 75 000 € pour une personne physique et de 375 000 € ou la moitié des dépenses de publicité effectuées au titre de l’avantage promotionnel pour une personne morale[3].
 

 Interdiction des pénalités disproportionnées et réintroduction de la prohibition des déductions d’office

 

La loi ASAP ajoute à la réglementation relative aux pratiques restrictives de concurrence une disposition[4] qui vise à sanctionner les deux pratiques suivantes :

- Le fait d’imposer des pénalités disproportionnées au regard de l’inexécution d’engagements contractuels ; et

- Le fait de procéder au refus ou retour de marchandises ou de déduire d’office du montant de la facture établie par le fournisseur, les pénalités ou rabais correspondant au non-respect d’une date de livraison, à la non-conformité des marchandises, lorsque la dette n’est pas certaine, liquide et exigible, sans même que le fournisseur ait été en mesure de contrôler la réalité du grief correspondant.
 

La prohibition des « pénalités disproportionnées » constitue une nouveauté qui vise, selon l’amendement parlementaire concerné[5], à sanctionner la mise en place de pénalités logistiques qui peuvent atteindre des montants injustifiés.

Cette disposition s’inscrit dans la lignée du Guide des bonnes pratiques en matière de pénalités logistiques établi par la Commission d’examen des pratiques commerciales (« CEPC »), qui recommandait de prévoir des pénalités logistiques proportionnées[6].

Le texte adopté ne vise néanmoins pas spécifiquement et limitativement des pénalités de nature logistique mais bien de manière plus large des pénalités imposées au regard de l’inexécution d’engagements contractuels (quels qu’ils soient). La prohibition pourrait donc s’appliquer de manière large (la deuxième partie de l’article mentionne notamment des pénalités correspondant à la non-conformité des marchandises), et l’on ne peut s’empêcher de penser au pouvoir modérateur du juge en matière de clauses pénales qui figure au sein du code civil.

La prohibition des refus et retours de marchandises et des déductions d’office de pénalités et rabais, sans que la dette du fournisseur soit certaine, liquide et exigible (rappel de trois des quatre conditions de la compensation légale listées aux articles 1347 et suivants du code civil) et sans que le fournisseur ait été mis en mesure de contrôler la réalité du grief correspondant, constitue une réintroduction d’une pratique qui avait été supprimée du code de commerce en 2019[7].

Il importe de rappeler que de telles pratiques peuvent notamment être sanctionnées, outre par la nullité et la restitution des avantages indus, par une amende civile dont le montant ne peut excéder le plus élevé des trois montants suivants : cinq millions d'euros, le triple du montant des avantages indument perçus ou obtenus ou 5 % du chiffre d'affaires hors taxes réalisé en France par l'auteur des pratiques lors du dernier exercice clos depuis l'exercice précédant celui au cours duquel les pratiques ont été mises en œuvre[8].


La modification du régime de la convention unique



La Loi ASAP complète le dispositif de la convention unique de l’article L. 441-3 du code de commerce (et par la même occasion, celle de l’article L.441-4 du même code applicable aux produits de grande consommation).

A l’avenir, la convention unique devra indiquer l’objet, la date, les modalités d’exécution, la rémunération et les produits auxquels il se rapporte de tout service ou obligation relevant d’un accord conclu avec une entité juridique située en dehors du territoire français, avec laquelle le distributeur est directement ou indirectement lié[9].

Ce dispositif a pour objectif, selon l’amendement concerné, de lutter contre des pratiques de certaines centrales internationales, volontairement délocalisées à l’étranger, qui fournissent des services à des distributeurs français sans contrepartie évidente[10].

Devront ainsi être intégrés dans la convention unique, l’ensemble des montants versés à des entités internationales liées directement ou indirectement au distributeur concerné, dès lors que ces sommes sont rattachables à des produits qui sont mis sur le marché dans une surface de vente du distributeur implantée en France[11].

L’administration pourra constater si les accords internationaux concernés présentent un caractère d’illicéité, en particulier au regard de la réglementation sur le déséquilibre significatif et sur l’avantage sans contrepartie[12].

Pour rappel, le non-respect des dispositions relatives à la convention unique, et notamment à son contenu, est passible d'une amende administrative dont le montant ne peut excéder 75 000 € pour une personne physique et 375 000 € pour une personne morale (sauf récidive dans les deux ans suivant une première décision définitive de sanction)[13].

 

 

 

[2] Article L. 442-5, I du code de commerce.

[3] Article 125 de la loi ASAP.

[4] Article L. 442-1, I, 3° du code de commerce.

[5] Amendement AN n° 127.

[6] CEPC, recommandation n°19-1 du 17 janvier 2019.

[7] Ordonnance n°2019-359 du 24 avril 2019.

[8] Article L. 442-4 du code de commerce.

[9] Article L. 441-3, III, 4° du code de commerce.

[10] Amendement AN n° 125 et débats parlementaires du 2 octobre 2020.

[11] Amendement AN n° 125.

[12] Article L. 442-1, I, 1° et 2° du code de commerce.

[13] Article L. 441-6 du code de commerce.

 

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