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Nouveau règlement d’exemption verticale - Acte II

Article Droit de la concurrence, consommation et distribution | 07/06/22 | 13 min. | Alexandra Berg-Moussa Renaud Christol Aurélien Micheli Marc-Antoine Picquier Paul Vialard

Acte II – Focus sur les réseaux de distribution

À côté des nouvelles dispositions relatives au commerce en ligne et à l’économie numérique[1], le nouveau règlement d’exemption verticale[2] (ci-après le « Règlement ») et les nouvelles lignes directrices qui l’accompagnent (ci-après les « Lignes Directrices »)[3], adoptés le 10 mai 2022 par la Commission européenne (ci-après la « Commission »), révisent également le cadre juridique applicable aux réseaux de distribution.

Certaines dispositions de l’ancien règlement[4] ont été conservées : la détention d’une part de marché inférieure ou égale à 30 % reste le critère déterminant pour bénéficier de l’exemption[5] et l’imposition des prix de revente est toujours interdite, à de très rares exceptions près.

Les nouvelles règles significatives concernent principalement les échanges d’informations dans le cadre de la double distribution, la protection des réseaux de distribution et les obligations de non-concurrence.

L’encadrement des échanges d’informations dans la double distribution

Depuis 2010, la double distribution, c’est-à-dire des situations dans lesquelles les produits ou services sont vendus aux clients finals par des distributeurs indépendants mais aussi directement par le fournisseur, qui se trouve alors en concurrence directe avec ses propres revendeurs, s’est largement développée.

En cas de double distribution, tous les échanges d’informations entre un fournisseur et un distributeur ne seraient pas nécessairement proconcurrentiels.

Cela est le cas pour les échanges qui ne sont pas directement liés à la mise en œuvre du contrat de distribution ou nécessaires pour améliorer la production ou la distribution des biens ou services. De tels échanges sont donc exclus de l’exemption[6].

Les Lignes Directrices précisent que les échanges informations sont susceptibles d’être exemptés lorsqu’ils portent notamment sur les éléments suivants[7] :

 
• les informations techniques relatives aux biens ou services, telles que celles qui permettent de se conformer aux mesures réglementaires ou encore celles qui permettent d’adapter les biens ou services aux exigences du client ;
• les informations logistiques relatives à la production et à la distribution des biens ou services en amont ou en aval, telles que les informations relatives au processus de production, à l’inventaire ou aux stocks ;
• les informations relatives aux prix auxquels les produits ou services sont fournis au distributeur, et aux prix auxquels ils sont revendus par ce dernier[8] sous réserve que cet échange d’informations ne soit pas utilisé pour restreindre la capacité du distributeur à déterminer son prix de vente.
 

En revanche, les échanges entre fournisseurs et distributeurs ont peu de chances d’être exemptés lorsqu’ils portent sur les données suivantes[9] :

• les prix futurs auxquels le fournisseur ou le distributeur ont l’intention de vendre les biens ou services en aval ;
• les informations qui concerneraient des clients finals déterminés, sauf à ce qu’elles soient nécessaires pour satisfaire les exigences particulières d’un client final ou pour mettre en œuvre ou contrôler le respect d’un réseau de distribution sélective.
 

Les échanges d’informations qui ne remplissent pas les conditions posées par le Règlement devront nécessairement faire l’objet d’une évaluation individuelle au regard de l’article 101 § 3 du TFUE : les entreprises concernées devront démontrer que l’impact positif de ces pratiques pour le marché et les consommateurs l’emporte sur leurs aspects négatifs[10].

Les nouvelles règles de protection des réseaux de distribution

La Commission a restructuré la rédaction sur les exceptions aux restrictions caractérisées[11] selon les différents types de réseau de distribution : le Règlement distingue maintenant clairement les règles applicables à la distribution exclusive, la distribution sélective et la distribution libre[12], laquelle est désormais expressément visée par le texte.

• La distribution exclusive


Le Règlement introduit la notion d’exclusivité partagée qui permet à un fournisseur de concéder à plusieurs revendeurs – jusqu’à cinq – un territoire ou un groupe de clients à titre exclusif, et ainsi de restreindre la possibilité de tous ses autres acheteurs de vendre activement sur ce territoire ou à ce groupe de clients[13].

Les Lignes Directrices précisent que cette limitation du nombre de revendeurs « co-exclusifs » doit permettre d’encourager ces derniers à investir dans la promotion et la vente des biens ou services du fournisseur (un nombre plus nombreux de distributeurs exclusifs entraînerait un risque de parasitisme et de stratégie de passager clandestin)[14].

Les définitions des ventes actives et des ventes passives sont désormais formalisées au sein du Règlement[15]. Il précise que les ventes actives, qui font suite à « un ciblage actif de clients », incluent le fait de mettre en place un site internet qui vise un territoire spécifique, notamment par l’utilisation d’une langue communément utilisée sur ce territoire. Les ventes passives, qui répondent quant à elles « à des demandes spontanées de clients individuels », n’incluent plus systématiquement les ventes en ligne : celles-ci pourront donc être limitées par la tête de réseau, par exemple pour préserver l’exclusivité qu’elle aurait concédée à ses distributeurs.

• La distribution sélective


Afin de protéger les systèmes de distribution sélective[16] et limiter le contournement de la revente hors réseau, le Règlement autorise les fournisseurs à empêcher les distributeurs agréés de commercialiser les produits en dehors du territoire couvert par le réseau, ou à des clients qu’ils se sont réservés ou exclusivement alloués à d’autres distributeurs[17].

Ces restrictions pourront également être imposées aux clients directs des distributeurs et ainsi être répercutées le long de la chaîne de vente, ce qui devrait permettre de mieux protéger l’étanchéité des réseaux sélectifs et garantir leur efficacité[18].

Au surplus, le Règlement accepte qu’un fournisseur recoure à des systèmes de distribution différents selon les États membres. Celui-ci pourra par exemple interdire à ses distributeurs exclusifs en France de vendre à des distributeurs non agréés situés en Espagne, où il aura mis en place un réseau sélectif[19].

Les obligations de non-concurrence

Le Règlement considère toujours que les obligations de non-concurrence stipulées dans les accords verticaux et dont la durée est indéterminée ou dépasse cinq ans, ne bénéficient pas de l’exemption[20].

En revanche, les Lignes Directrices précisent que les obligations de non-concurrence qui sont tacitement renouvelables après l’expiration d’une durée initiale de cinq ans peuvent désormais bénéficier de l’exemption, sous réserve que l’acheteur soit en mesure de renégocier ou résilier le contrat et ainsi de changer effectivement de fournisseur à l’issue de cette période[21].

 

[2] Règlement (UE) n°2022/720 concernant l’application de l’article 101, paragraphe 3, du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne à des catégories d’accords verticaux et de pratiques concertées : https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:32022R0720&from=EN.

[4] Règlement (UE) n°330/2010 de la Commission du 20 avril 2010.

[5] Article 3 du Règlement.

[6] Article 2, paragraphe 5 du Règlement.

[7] Paragraphe 99 des Lignes Directrices.

[8] Cela vise les prix recommandés ou maximaux communiqués par le fournisseur et les prix de revente pratiqués par le distributeur.

[9] Paragraphe 100 des Lignes Directrices.

[10] L’article 101, § 3 du TFUE permet à certains accords qui ne pourraient pas être exemptés sur la base d’un règlement communautaire de bénéficier d’une exemption individuelle, lorsqu’il est établi qu’ils « contribuent à améliorer la production ou la distribution des produits ou à promouvoir le progrès technique ou économique, tout en réservant aux utilisateurs une partie équitable du profit qui en résulte, et sans a) imposer aux entreprises intéressées des restrictions qui ne sont pas indispensables pour atteindre ces objectifs, b) donner à des entreprises la possibilité, pour une partie substantielle des produits en cause, d'éliminer la concurrence ».

[11] C’est-à-dire les restrictions de concurrence qui sont considérées comme tellement graves qu’elles font perdre le bénéfice de l’exemption par catégorie à l’ensemble de l’accord dans lequel elles ont été insérées.

[12] Cela vise la situation dans laquelle un fournisseur n’opère ni un système de distribution exclusive, ni un système de distribution sélective.

[13] Article 1er, paragraphe 1, point h) du Règlement.

[14] Paragraphes 120 et 121 des Lignes Directrices.

[15] Article 1er, paragraphe 1, points l) et m) du Règlement).

[16] La distribution sélective permet à un fournisseur de ne confier la distribution de ses produits qu’aux revendeurs qui remplissent les critères qu’il a préalablement établis et qu’il a choisi d’agréer.

[17] Article 4, point c), i) du Règlement.

[18] Paragraphes 223 et 241 des Lignes Directrices.

[19] Article 4, point b), ii) du Règlement.

[20] Article 5, paragraphe 1, point a) du Règlement.

[21] Paragraphes 247 à 249 des Lignes Directrices.

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