Article Droit du travail et de la protection sociale | 06/09/22 | 14 min. | Emmanuelle Barbara Boris Léone-Robin Valentin Daviot
Afin de répondre aux problématiques actuelles de pouvoir d’achat dans un contexte d’inflation galopante, plusieurs mesures d’urgence ont été arrêtées pendant la période estivale.
Aux côtés de celles très largement médiatisées et impactant directement les ménages – suppression de la contribution à l’audiovisuel public, bouclier tarifaire sur le gaz, revalorisation de certaines prestations sociales, gel de l’augmentation des loyers, etc. – certaines impactent directement les entreprises, fortement incitées à agir pour préserver le pouvoir d’achat de leurs salariés.
Retour sur les principales mesures sociales prévues par la loi n° 2022-1158 portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat (dite loi « pouvoir d’achat ») et la loi n° 2022-1157 de finances rectificative pour 2022, toutes deux datées du 16 août 2022.
Le régime juridique de la PPV s’inspire très largement de celui de la PEPA. Plusieurs différences peuvent toutefois être relevées :
A compter du 1er janvier 2024, le régime social de la prime est calé sur celui de l’intéressement. Elle sera, en outre, intégralement imposable à partir de cette date.
Des précisions de l’administration sur le versement de cette prime sont attendues prochainement.
2 - Développement et sécurisation de l’intéressement
Plusieurs dispositions visent à encourager le développement de l’intéressement, en particulier dans les entreprises de moins de 50 salariés :
• L’accord d’intéressement ou la décision unilatérale peut désormais être conclu pour une durée maximale de 5 ans (contre 3 ans jusqu’à présent) ;
3 - Création d’un cas de déblocage exceptionnel de l’épargne salariale
Les salariés sont exceptionnellement autorisés jusqu’au 31 décembre 2022 à débloquer leurs droits à intéressement et participation affectés sur un plan d’épargne d’entreprise ou un compte courant bloqué avant la période d’indisponibilité de 5 ans.
Plus précisément :
• Ce déblocage exceptionnel, réalisé à la demande du salarié, est permis jusqu’au 31 décembre 2022, en une seule fois et dans la limite d’un plafond global de 10.000 € nets de prélèvements sociaux.
• Ce dispositif concerne les sommes issues de l’intéressement ou la participation affectées sur un plan d’épargne salariale ou un compte courant bloqué avant le 1er janvier 2022. En revanche, cette faculté de déblocage ne s’applique pas aux droits affectés sur des fonds investis dans des entreprises solidaires ni aux sommes affectées sur un PERCO ou un plan d’épargne retraite.
• Le déblocage doit être réalisé par le salarié pour financer l’achat d’un ou plusieurs biens ou la fourniture d’une ou plusieurs prestations de service.
• Les sommes débloquées bénéficient d’une exonération d’impôt sur le revenu et de cotisations sociales à l’exception de la CSG et la CRDS d’ores et déjà prélevées.
L’employeur est tenu d’informer ses salariés de cette faculté de déblocage exceptionnel dans un délai de 2 mois à compter de la promulgation de la loi (c’est-à-dire d’ici le 16 octobre 2022).
Des précisions de l’administration sur ce cas de déblocage anticipé sont attendues prochainement.
Les salariés ont désormais la possibilité, quelle que soit la taille de leur entreprise et avec l’accord de l’employeur, de solliciter la conversion en salaire des journées ou demi-journées de RTT non prises et acquises entre le 1er janvier 2022 et le 31 décembre 2025[1].
La mise en œuvre de cette mesure est soumise à l’accord de l’employeur. Le cas échéant, les journées ou demi-journées travaillées sont majorées d’un montant au moins égal au taux de majoration de la première heure supplémentaire dans l’entreprise, c’est-à-dire 25% en l’absence d’accord collectif. En revanche, elles ne s’imputeront pas sur le contingent d’heures supplémentaires.
Les sommes issues de cette monétisation sont soumises au même régime fiscal et social que les heures supplémentaires (exonération de cotisations salariales d’assurance vieillesse, exonération d’impôt sur le revenu dans la limite d’un plafond de 7.500 € par an, déduction forfaitaire patronale en fonction de l’effectif de l’entreprise – sur ces deux derniers points, voir infra n° 6).
Un dispositif de déduction forfaitaire de cotisations patronales au titre des heures supplémentaires, similaire à celui existant aujourd’hui pour les employeurs de moins de 20 salariés, sera mis en place à compter du 1er octobre 2022 pour les entreprises de 20 à moins de 250 salariés. Les modalités pratiques de cette déduction – qui pourraient ne pas être identiques à celle applicable aux employeurs de moins de 20 salariés - devraient être précisées prochainement par décret.
En outre, la loi de finances rectificative augmente à 7.500 € (au lieu de 5.000 €) le plafond d’exonération d’impôt sur le revenu pour la rémunération des heures supplémentaires effectuées depuis le 1er janvier 2022.
Dans un contexte de forte hausse du prix des carburants, le législateur encourage pour les années 2022 et 2023 la prise en charge par l’employeur des frais de déplacement des salariés entre leur domicile et leur lieu de travail.
Plus précisément :
• L’exonération sociale et fiscale attachée à la prise en charge obligatoire par l’employeur de 50% des frais d’abonnements aux transports publics ou aux services publics de location de vélos est étendue pour les années 2022 et 2023 à la prise en charge facultative de ces frais (c’est-à-dire au-delà de 50%), dans la limite de 25% du prix des titres ; ce qui porte l’exonération à 75% du prix des titres d’abonnements au maximum.
La limite d’exonération sociale et fiscale de la contribution patronale au financement des titres-restaurant est portée à 5,92 € pour les titres émis entre le 1er septembre 2022 et le 31 décembre 2022 (elle était fixée à 5,69 € jusqu'au 31 août).
Par ailleurs, il convient de noter que :
• le plafond journalier de paiement par titres-restaurant devrait être relevé par décret à 25 € (au lieu de 19 €) à compter du 1er octobre 2022.
• jusqu’au 31 décembre 2023, l’utilisation des titres-restaurant est élargie à l’achat de tout produit alimentaire, qu’il soit ou non directement consommable. Jusqu’à présent, l’utilisation des titres-restaurant était limitée aux produits directement consommables (salades, sandwichs, plats cuisinés, etc.) ainsi qu’aux fruits, légumes et produits laitiers.
[1] Journées ou demi-journées de repos acquises en application soit d’un accord de RTT antérieur à la loi du 20 août 2008 et maintenu, soit d’un accord d’aménagement du temps de travail sur une période supérieure à la semaine