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La diffusion des compétitions sportives : quelles sont les règles applicables ?

Article Droit de la propriété intellectuelle, média et art | 12/04/24 | 10 min. | Amélie Tripet Pierre Pérot Inès Bouzayen Camille Abba

Sport

A l’approche des Jeux olympiques 2024, la retransmission télévisée des cérémonies et épreuves sportives se retrouve au cœur des préoccupations, tant des organismes de diffusion que des entreprises ou commerces souhaitant organiser des diffusions au sein de leurs locaux.

Les retransmissions télévisées des événements sportifs représentent en effet un enjeu fortement concurrentiel, de sorte que celles-ci sont particulièrement encadrées, dans le respect du droit à l’information sportive.

L’Olympic Broadcasting Services et les diffuseurs officiels
 

La France a fait le choix d’interdire, depuis une vingtaine d’années, à un diffuseur payant de se réserver l’exclusivité de compétitions majeures telles que les Jeux Olympiques, la finale de la ligue des champions de football ou encore le Tour de France (Décret n°2004-1392 du 22 décembre 2004 pris pour l'application de l'article 20-2 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication). Certaines chaînes gratuites doivent également pouvoir en obtenir les droits de retransmission.

Pour les JO, la captation des images et des sons de toutes les épreuves des JO sera assurée par une filiale du Comité international olympique (CIO), dénommée Olympic Broadcasting Services. Cette entité aura ensuite la charge de négocier les droits de diffusions des épreuves olympiques avec les diffuseurs nationaux.

Le CIO a annoncé le 16 janvier 2023 la signature d’un accord avec l’Union européenne de radio-télévision (UER), dont France télévision est un membre actif, et Warner Bros Discovery (propriétaire d’Eurosport) pour la diffusion  exclusive en Europe des Jeux Olympiques  jusqu’en 2032.

Pour l’édition 2024, les épreuves des JO seront ainsi diffusées en permanence sur les chaînes France 2 et France 3, France Télévision ayant obtenu un accord de plus de 200 heures de couverture. Côté chaîne privée, c’est le groupe Eurosport qui a obtenu les droits de diffusion, pour plus de 3800 heures de retransmission en direct prévues sur un ensemble de 10 chaînes.

Pour les diffuseurs non-détenteurs de droits médias, le CIO a publié des règles de diffusion très strictes. Toute utilisation de contenus olympiques par ces derniers devra être strictement limitée aux émissions d’information télévisées, pour des diffusions par le biais de la télévision uniquement et dans la limite de 6 minutes de contenus olympiques par jour par chaîne de télévision. Le contenu olympique ne pourra pas être diffusé sur Internet.

La retransmission des rencontres sportives

Cet été, es commerces et entreprises souhaiteront certainement profiter des JO afin d’attirer la clientèle ou permettre à leurs employés de visionner les épreuves sportives.

Toutefois, ces retransmissions sont encadrées par une règlementation stricte souvent ignorée.

La plupart des contenus retransmis à la télévision constituent des œuvres protégées par le droit d'auteur et/ou les droits voisins, incluant notamment les artistes-interprètes, les producteurs de phonogrammes et de vidéogrammes. Ceux-ci détiennent des droits patrimoniaux sur ces contenus, leur conférant le droit exclusif d'autoriser ou de prohiber toute exploitation de leur œuvre, en particulier toute retransmission de l’évènement par des tiers. Cette action relève du champ du droit de représentation, ou, selon les termes de la Cour de justice de l'Union européenne, de la « communication au public ».

S’agissant de la notion de « public », la Cour de justice de l’Union européenne indique dans sa jurisprudence constante que celle-ci vise un « nombre indéterminé » de destinataires « potentiels » et « important »[1].

 

La retransmission par les établissements accueillant du public

Les commerces accueillant du public, tels que les bars et restaurants, font ainsi une communication au public lorsqu’ils diffusent des contenus télévisés à leur clientèle.

La Cour de justice de l’Union européenne a d’ailleurs eu à se prononcer sur la retransmission dans les cafés-restaurants des rencontres sportives de la Premier League dans un retentissant arrêt du 4 octobre 2011[2]. Selon la Cour, l’acte de diffusion par les cafés-restaurants à leur clientèle correspond à une communication à un public « nouveau », « c’est-à-dire à un public qui n’était pas pris en compte par les auteurs des œuvres protégées lorsqu’ils ont autorisé leur utilisation par la communication au public d’origine », qui suppose une nouvelle autorisation des titulaires de droits.

La communication au public nouveau est donc caractérisée en cas de diffusion par les commerces à leur clientèle et ces derniers doivent obtenir des droits de diffusion spécifiques pour être en règle et s’acquitter d’une redevance auprès des chaînes qu’ils diffusent.

En pratique, cela implique pour les professionnels souhaitant diffuser les programmes TV à l’attention de leurs clients de souscrire à des offres spécifiques (souvent décrites comme « abonnements professionnels ») auprès d’un des fournisseurs d’accès aux contenus qui permettent cette diffusion dans les lieux recevant du public et inclus les redevances de droits d’auteur et droits voisins requises.

Par ailleurs, la communication autour des Jeux Olympiques étant extrêmement réglementée, les établissements devront être très vigilants à ne pas émettre d’offre commerciale spécifiquement liée à l’évènement et à ne pas porter atteinte aux propriétés olympiques et signes distinctifs des organisateurs (tels que les marques par exemple), pour ne pas risquer de sanctions liées à la contrefaçon ou l’ambush marketing.

Enfin, pour pouvoir diffuser, en illimité et à un large public, des contenus audios (musique) et télévisuels incluant de la musique, les établissements doivent se déclarer auprès de la SACEM et remplir une demande d’autorisation de diffusion.

La retransmission au sein d’une entreprise

Par exception, le cercle de famille échappe à cette obligation d’obtention d’une autorisation pour la retransmission d’une œuvre (Art L.122-5 1° du CPI).

Le cas de la retransmission d’un évènement sportif au sein d‘une entreprise n’a pas été tranché de manière claire par la jurisprudence.

En effet, la notion de « public », qui est définie selon deux critères cumulatifs, à savoir un « nombre indéterminé » et « suffisamment important » de destinataires potentiels[3], ne fait pas primer le critère quantitatif, puisque le nombre est « indéterminé », mais plutôt un rapport qualificatif au public.

Les salariés d’une entreprise peuvent-ils être considérés comme un public au sens du droit d’auteur ?

Une ordonnance du tribunal de grande instance de Paris, rendue en 1997, semble avoir penché du côté de la qualification du cercle de famille, en qualifiant la diffusion sur un intranet accessible uniquement par les salariés « d’usage privé »[4].

S’il n’existe a priori pas de décisions plus récentes sur cette question, il est également possible de faire une analogie avec des critères du droit de la presse et notamment en matière de diffamation privé ou publique. A ce titre, deux décisions notables permettent d’orienter vers une qualification des salariés d’une même entreprise en tant que cercle « privé ». La Cour de cassation a en effet retenu dès 1982[5] le caractère privé de la diffamation pour des propos tenus au sein d’une entreprise ce qui a été confirmé par la Cour d’appel de Paris dans une affaire similaire en 2005[6].

Par analogie, on peut ainsi considérer que les salariés au sein d’une entreprise doivent être considérés comme un « cercle de famille », de sorte que la diffusion d’épreuves au personnel pourrait rentrer dans le champ de l’exception de l’article L.122-5 1° du CPI.

En tout état de cause, il convient d’être prudent lorsque cette diffusion est effectuée auprès d’un nombre important de salariés, ce qui pourrait être de nature à remettre en cause le caractère privé de cette diffusion. Il en est de même dans le cas où des personnes extérieures à l’entreprise ont été conviées à la retransmission, cette exception au droit d’auteur pour des représentations privées et gratuites effectuées exclusivement dans un cercle de famille tombe[7].

Les règles de retransmission des contenus télévisuels sont ainsi très encadrées et impliquent l’obtention des autorisations nécessaires ainsi que le versement des redevances afférentes pour ne pas risquer d’être en infraction avec la règlementation applicable.
 

[1] CJUE, 7 mars 2013, ITV Broadcasting, C-607/11, 13 février 2014, Svensson, C-646/12 et GS MEDIA, C-160/15
[2] CJUE, 4 octobre 2011, Football Association Premier League Ltd, C-403/08 et C-429/08
[3] CJUE, 7 mars 2013, ITV Broadcasting, C-607/11, 13 février 2014, Svensson, C-646/12 et GS MEDIA, C-160/15

[4] TGI Paris, 10 juin 1997, JCP 1997, II, n° 22974, note F. Olivier
[5] Cass, Crim, 12 octobre 1982, Inédit
[6] CA Paris, Chambre correctionnelle 11 section A, 1er décembre 2004, 04/02676
[7] CA Paris, Pôle 5, Ch. 1, 8 février 2012, n°10/13304

 
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