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Kendrick Lamar c. Drake – quelles conséquences légales des allégations émises dans une « rap battle » ?

Article Droit de la propriété intellectuelle, média et art | 24/05/24 | 57 min. | Amélie Tripet Marie Edelstenne

Les dernières semaines ont été rythmées par une intense « Rap Battle » sur la scène musicale américaine entre Kendrick Lamar, lauréat du Prix Pulitzer, et le rappeur canadien Drake (de son vrai nom Aubrey Graham). Cette tempête musicale a alimenté une frénésie chez leurs fans, les amoureux du hip-hop et les critiques sur YouTube, tous impatients de disséquer chaque parole.

La règle du jeu des diss tracks, ces morceaux de musique (surtout de rap) incisifs, est d’attaquer, à coup de punchlines, une ou plusieurs personnes. Inscrite dans une logique darwinienne, la rap battle ouvre une arène dans laquelle les artistes peuvent démontrer à leurs pairs et aux spectateurs leurs compétences de lyricistes, en ayant notamment recours aux rimes, aux jeux de mots subtils, aux métaphores et aux hyperboles[1].

 

Le contexte

 

Le conflit entre Kendrick Lamar et Drake remonterait aux années 2010, amorcé par la diffusion du couplet de Kendrick Lamar devenu fameux dans la chanson Control du rappeur Big Sean où il s’attaque à l’ensemble des rappeurs contemporains en s’inscrivant parmi les « O.G. » (« Original Gangster »)[2] du genre musical.

Dès lors, les deux artistes n’ont cessé de se renvoyer la balle, via des chansons, des interviews ou les réseaux sociaux.

Le 22 mars 2024, la tension a atteint son paroxysme lorsque le rappeur Future a sorti le titre Like that, dans lequel Kendrick Lamar fait une apparition et s’attaque une nouvelle fois à ses pairs, y compris Drake.

Cette chanson aurait poussé le canadien à dégainer son titre Push-ups, déclenchant la diffusion d’une série de diss tracks en quelques jours, dans lesquels les deux rappeurs se lancent des accusations à caractère diffamatoire.

 

            Les accusations

 

D’une part, Drake accuse Kendrick Lamar de ne pas atteindre le standard de moralité qu’il prétend avoir (référence à son dernier album, Mr. Moral and the Big Steppers). Dans sa chanson Family Matters, il présente Kendrick Lamar comme un père absent qui aurait abusé physiquement de sa fiancée :

When you put your hands on your girl, is it self-defense 'cause she bigger than you? 
(…)

They hired a crisis management team to clean up the fact that you beat on your queen[3]

 

Le Canadien répète ces allégations dans son dernier morceau The Heart Part 6[4].

D’autre part, Kendrick Lamar dénonce la duplicité de son adversaire et rappelle qu’il aurait menti au public à de multiples égards, que ce soit sur son recours à la chirurgie esthétique, sur l’utilisation de prête-plumes pour l’écriture de ses chansons (« ghost writers »), ou sur sa paternité d’un, voire deux, enfants, comme il l’explique dans son titre meet the grahams[5].

Dans deux de ses titres, le lauréat du prix Pulitzer fait également allusion au prétendu comportement de prédateur de Drake. Dans meet the grahams, le rappeur américain ne mâche pas ses mots en comparant son rival à Harvey Weinstein[6]. Dans Not Like Us, on peut y entendre les allégations suivantes :

« Say, Drake, I hear you like 'em young / You better not ever go to cell block one / To any bitch that talk to him and they in love / Just make sure you hide your lil' sister from him

(…)

Certified Lover Boy? Certified pedophiles

(…)

Tryna strike a chord and it's probably A minor »[7].

La chanson ciblant directement à Drake, également surnommé « Certified Lover Boy » d’après son album du même nom sorti en 2021, Kendrick Lamar ne passe pas par quatre chemins : pédophiles « certifiés », Drake et son entourage auraient tenté de séduire des mineures, la dernière phrase citée faisant d’une note musicale à la guitare un jeu de mot cinglant.

 

            Quelles conséquences légales ?

La liste de ces allégations n’est pas exhaustive et les nombreux jeux de mots et accusations des rappeurs (allant de l’usage courant de drogues à l’existence d’un enfant non reconnu) restent à disséquer. Mais les déclarations précitées, qui constituent, en réalité, la commission de délits voire de crimes, sont particulièrement intéressantes dans cette analyse.

Cette analyse est purement théorique. En effet, il est peu probable que l’un des acteurs de cette dispute musicale ose attraire son interlocuteur devant un tribunal (et encore moins français) pour diffamation publique, injure ou provocation à la haine ; de quoi saper sa crédibilité de rappeur.

Par ailleurs, il n’est pas ici question de prétendre qu’il s’agit de la plus violente altercation qu’aurait connu le rap américain. On se rappelle notamment du conflit Cote Est / Cote Ouest des Etats-Unis régné dans les années 1990s qui aurait mené à l’assassinat des rappeurs Tupac Shakur et Biggie Smalls.

On peut cependant s’interroger sur la nature délictuelle des propos des deux artistes contemporains et des éventuelles conséquences légales.

 

Le droit de la presse et la particularité des rap battles

 

Les musiciens - et plus particulièrement les rappeurs - sont fréquemment attraits devant les juridictions pénales françaises pour répondre de paroles de leurs chansons commerciales susceptibles de relever de délits de presse comme l’injure, la diffamation publique envers un particulier ou un élu, ou la provocation à la haine et à la violence.

Mais qu’en est-il lorsque deux artistes entrent volontairement dans une confrontation verbale (ou rap battle) consistant à s’attaquer à la personnalité de l’autre pour prouver leur talent de rappeur, surtout lorsque le conflit déborde au point où chacun dénonce la commission d’infractions, allant de la violence conjugale à la pédo-criminalité ?

La frontière entre la réalité et la fiction dans une rap battle est particulièrement floue. Le public aimerait croire à un combat réel lors duquel seraient révélés les secrets des stars qu’il n’aurait pu obtenir autrement[8]. Cependant, ce type de bataille peut rester, pour certains artistes, un spectacle international, avec à la clé la hausse de leur popularité et de leurs chiffres de vente de futurs albums.

Cette impossibilité de discerner le vrai du faux en raison du genre musical même du rap qui tend à l’hyperbole, empêche de se prononcer avec certitude sur la qualification des propos émis dans une telle situation. C’est cette confusion qui révèle la subtilité juridique à laquelle le juge devrait faire face et l’impératif d’appréciation casuistique posée par la jurisprudence.

 

  • Sur la diffamation publique

 

Si le juge américain venait à être saisi (Kendrick Lamar résidant aux Etats-Unis et Drake y exerçant une activité)[9], le droit américain définit la diffamation comme une déclaration qui porte atteinte à la réputation d’un tiers[10].

En règle générale, le requérant doit démontrer que le défendeur a été négligent – et a ainsi commis une faute – en publiant ou en communiquant à un tiers une déclaration fausse portant atteinte à la réputation du requérant qui a, de ce fait, subi un préjudice. La dimension de la vérité est importante en Common Law, alors que la loi française n’y porte pas d’attention particulière sauf à ce que le défendeur ou prévenu offre, pour sa défense, une preuve de la vérité des faits poursuivis[11].

Comme en France[12], les juges américains recherchent si la déclaration litigieuse résulte de l’opinion de son auteur ou de faits suffisamment précis pour faire l’objet d’un débat contradictoire[13].

En droit français, il est établi que l’imputation d’avoir commis une infraction est de nature diffamatoire[14]. Jugeant des paroles d’une œuvre musicale, le juge applique les conditions habituelles prévues par les dispositions de l’article 29 alinéa 1er de la loi du 29 juillet 1881. Ainsi, les paroles d'une chanson de rap faisant notamment allusion « aux goûts de luxe d'un élu, à des pratiques policières douteuses, à la mafia, à une situation de non-droit, » étaient trop générales, et donc trop imprécises, pour faire l’objet d’un débat contradictoire[15]. En revanche, les propos qui imputent au demandeur d’avoir commis « des actes de pédophilie, insinuant également que sa fortune lui permettrait, au moyen d’acte de corruption, de faciliter ses activités délictueuses » ont pu être jugés manifestement illicites[16].

Alors que le juge français apprécie la notion d’honneur et de considération au regard de considérations objectives d’où s’évincerait une réprobation générale[17], le juge américain prend également en compte la sensibilité subjective de la personne visée, à condition que le requérant puisse démontrer avoir subi un préjudice.

D’une part, Drake allègue que Kendrick Lamar aurait agressé physiquement sa fiancée et engagé une équipe de gestion de crise pour cacher ses actions. D’autre part, Kendrick Lamar dénonce, directement et par le biais d’insinuations (y compris la photo de couverture de son titre Not Like Us[18]), des comportements de Drake et de son entourage qui pourraient être qualifiés de pédophiles[19].

Ces deux types d’accusations présentées dans les diss tracks ne relèvent pas de l’opinion ; elles pourraient donc être jugées suffisamment précises pour imputer des faits susceptibles de porter atteinte à la considération et à l’honneur des personnes qu’elles visent, et en l’occurrence la commission d’infraction, aussi bien aux Etats-Unis qu’en France.

Il doit être noté que l’action en diffamation aux Etats-Unis est régie par la législation et la jurisprudence des Etats fédérés. Les conditions pour caractériser l’élément intentionnel du délit et allouer des dommages et intérêts peuvent donc varier d’un Etat à l’autre. Or, plusieurs Etats prévoient une charge de la preuve renforcée pour les fonctionnaires[20] et les personnalités publiques[21] qui doivent, pour obtenir une indemnisation de leur préjudice, démontrer de manière claire et convaincante que le défendeur a agi avec une réelle intention de diffamer la partie adverse (« actual malice »)[22]. Pour vérifier le statut de personnalité publique du requérant, le juge américain peut prendre en compte son comportement, si celui-ci s’est « volontairement impliqué » dans la controverse publique[23].

Le défendeur a une « intention réelle » de diffamer lorsqu’il savait que les propos rendus publics étaient faux ou qu’il a fait preuve d’une particulière négligence en décidant de publier l’information sans rechercher si elle était exacte[24]. La charge de la preuve repose sur le requérant, celui-ci devant démontrer que les allégations incriminées sont fausses et que le défendeur n’a, à tout le moins, pas réalisé les investigations nécessaires pour s’assurer de leur véracité.

Il n’y a aucun doute sur la personnalité publique des deux rappeurs. Le requérant devrait donc, si la jurisprudence étatique le requiert, démontrer une intention réelle de son adversaire de diffuser de fausses informations à son égard. A ce jour (et à notre connaissance), aucun élément n’a été relevé sur les accusations de violence conjugale émises par Drake à l’encontre de Kendrick Lamar. En revanche, les éléments qui ont pu refaire surface à l’issue de cette bataille pourraient alimenter la défense de Kendrick Lamar si Drake venait à l’attraire devant les tribunaux américains.

En outre, pour obtenir des dommages et intérêts, il appartiendrait à l’un des deux rappeurs de prouver son préjudice, le quantum de l’indemnisation allouée par les juges américains pouvant s’élever aux millions[25]. En effet, la jurisprudence américaine autorise l’allocation de dommages et intérêts punitifs si le requérant parvient à démontrer l’intention réelle du défendeur[26].

 

Quelles défenses seraient alors ouvertes aux rappeurs ?

Le droit américain offre plusieurs types de défense. Les défenses absolues (« absolute privilege ») telles que la vérité ou le consentement du requérant[27] empêchent toute condamnation à l’encontre du défendeur. Les défenses relatives (« qualified privileges ») autorisent, dans certaines situations, la publication de propos à caractère diffamatoire si le défendeur n’avait pas l’intention réelle de diffamer le requérant[28]. Une desdites situations est le commentaire légitime (« fair comment ») qui permet à une personne de publier des informations sur une personnalité publique si elle croit honnêtement à la véracité de l’information, peu importe si, in fine, l’information s’avère fausse[29].

En l’espèce, les deux rappeurs dénoncent la commission d’infractions. Leurs propos peuvent ainsi être justifiés au titre du commentaire légitime faite à l’égard d’une personnalité publique, dans l’objectif de prévenir du comportement violent de son opposant à l’égard des femmes ou des enfants. Encore faut-il qu’ils aient crus à la véracité de leurs allégations, mais la charge de la preuve de l’élément intentionnel reviendrait au requérant.

Le consentement est également une défense envisageable. En effet, les rappeurs ont consenti à entrer dans une rap battle publique et pourraient ainsi soutenir que leur rival a accepté les risques de franchir le pas de l’arène.

En droit français, la preuve de la vérité est particulièrement difficile à démontrer. Si les propos étaient jugés diffamatoires, les rappeurs pourraient-il alors exciper de la bonne foi ? Pour cette défense, le défendeur ou prévenu doit démontrer qu’il n’existait pas d’animosité personnelle, qu’il a fait preuve de prudence, que les propos litigieux relevaient d’un sujet d’intérêt général et se fondaient sur une base factuelle suffisante.

L’animosité personnelle semble facilement démontrée, compte tenu de l’historique des deux protagonistes. Mais la connaissance par les fans du conflit entre les deux artistes neutralise-t-elle cette animosité personnelle ? En effet, la jurisprudence française prévoit que l’animosité personnelle est susceptible d’être caractérisée uniquement si elle préexiste aux propos litigieux et qu'elle résulte de circonstances qui ne sont pas connues des lecteurs[30] ou, en l’espèce, des auditeurs. Plus encore, on peut s’interroger sur la réalité de l’animosité, ce conflit pouvant constituer une simple compétition entre deux rappeurs. Et n’est-ce pas le but d’une rap battle de mettre en avant une haine qui ne serait pas nécessairement ressentie dans la vie courante ?

En l’espèce, nombreux auditeurs considèrent que l’animosité est réelle et qu’il ne s’agit pas d’une simple confrontation musicale, le mépris ressortant des morceaux de chacun[31], et pouvant résulter d’autres faits inconnus du public[32].

Le critère de la prudence est automatiquement neutralisé par le genre musical du rap, peu importe que les attaques soient faites par voie d’insinuation (i.e., via des jeux de mots à plusieurs niveaux), le but même d’une telle confrontation étant d’attaquer l’adversaire sans restriction, pour ressortir vainqueur du ring.

La Cour de cassation a pu reconnaître que les paroles d’un rappeur pouvaient s’inscrire dans le contexte d’un débat d’intérêt général, quand bien même les propos poursuivis seraient « outranciers, injustes ou vulgaires », ce langage étant d’usage dans le genre du rap[33]. Les deux artistes étant mondialement reconnus (pour preuve, cette rap battle fait l’objet de plusieurs articles de journaux français[34]), le juge pourrait considérer que ce type d’informations entrerait dans le cadre d’un débat d’intérêt général. Plus encore, les dénonciations de Kendrick Lamar dans sa chanson meet the grahams semblent avoir pour objectif de sonner l’alarme sur le comportement de Drake[35].

Pour ce qui est de la base factuelle suffisante, condition primordiale avec celle du débat d’intérêt général pour exciper de la bonne foi[36], les allégations semblent, au premier abord, ne reposer sur aucune preuve. Toutefois, à la suite de la sortie des différents diss tracks, les internautes n’ont pas manqué de mener leur propre enquête. De là, plusieurs vidéos suspectes de la star canadienne publiées antérieurement à la diffusion des propos litigieux, ont refait surface, pouvant ainsi nourrir la base factuelle suffisante qu’aurait à démontrer Kendrick Lamar. Reste à savoir si le rappeur canadien détiendrait, de son côté, des éléments permettant de justifier ses déclarations à l’égard du rappeur américain.

 

  • Sur la provocation à la haine ou à la violence

 

Le droit fédéral américain[37] et le droit des Etats fédérés prévoient l’infraction d’incitation à commettre un crime ou d’autres infractions similaires[38]. Au regard de la protection renforcée de la liberté d’expression par le Premier Amendement, la Cour suprême des Etats-Unis a pris le soin de restreindre leur qualification en précisant qu’un Etat ne peut interdire les discours prônant l'usage de la force ou un comportement illégal, à moins qu’ils ne visent à inciter ou à produire une action illégale imminente et qu'ils soient susceptibles d'inciter ou de produire une telle action[39]. La Cour suprême autorise cependant la restriction de la liberté d’expression d’un individu qui tiendrait un discours provocateur (« inflammatory speech ») présentant un danger « clair et présent » de provoquer un trouble à l’ordre public[40].

Les tribunaux français considèrent que, pour caractériser l’élément intentionnel du délit de provocation prévu à l’article 24 de la loi sur la liberté de la presse, il n’est pas suffisant de relever la seule utilisation d'un texte par sa forme agressive, injurieuse et violente, en l'absence de tout élément de preuve ou indice faisant présumer chez l'auteur et ses interprètes une volonté de créer dans le public un état d'esprit favorable à la réalisation d'une atteinte volontaire à la vie ou à l'intégrité physique d'autrui (en l’espèce, les fonctionnaires de police et les représentants de l'État)[41].[42] Il faut donc que les propos incitent le public à la haine ou à la violence envers une personne ou un groupe de personnes déterminées pour qualifier le délit[43].

Le juge français tient compte du « caractère volontairement provocateur du langage dans ce mode d'expression musical »[44], et fait d’ailleurs une distinction entre l’artiste et le personnage qu’il incarne dans ses chansons, considérant que le « domaine de la création artistique, parce qu’il est le fruit de l’imaginaire du créateur, est soumis à un régime de liberté renforcé afin de ne pas investir le juge d’un pouvoir de censure qui s’exercerait au nom d’une morale nécessairement subjective de nature à interdire des modes d’expression ». Ainsi, le rap qui est un style de création artistique, peut être ressenti, selon la Cour de Versailles en l’espèce, comme « un mode d’expression par nature brutal, provocateur, vulgaire voire violent puisqu’il se veut le reflet d’une génération désabusée et révoltée. »[45].

Toutefois, une différence semble exister entre les musiques commerciales des rappeurs et les titres qui s’inscrivent dans une rap battle. Le public n’est évidemment pas naïf et a conscience que ces diss tracks profitent aux artistes et à leur label. Cependant, dans une rap battle, ce n’est (supposément) plus le personnage décrit dans la chanson mais l’artiste qui prend le micro. Raison pour laquelle les attaques peuvent être aussi personnelles. On retrouve encore une fois une frontière poreuse entre la réalité et la fiction du personnage incarné par l’artiste.

Or, les juges français entrent en voie de condamnation lorsqu’« aucun élément ne permet de comprendre le caractère fictionnel de l'appel » à commettre un crime ou délit (en l’espèce, le meurtre)[46].

En l’occurrence, des accusations de violence conjugale ou de pédophilie auxquelles s’ajoutent les propos tels que « je pense que les [personnes] comme lui devraient mourir »[47] (Kendrick Lamar s’adressant à la mère de Drake dans meet the grahams) ou « tu es mort, il n’y a plus d’endroit où tu peux te cacher »[48] (Drake, dans Family Matters) qui s’apparentent à des menaces de mort (infractions en elles-mêmes), pourraient éventuellement susciter une certaine haine dans l’esprit du public et ainsi l’inciter à agir.

Mais c’est ici que la particularité de la rap battle est intéressante : dans ce type de confrontation, les rappeurs utilisent une rhétorique particulièrement violente, allant jusqu’à la menace de mort. Cependant, cette rhétorique est comprise par les participants et le public, comme des jeux de mots qui ne doivent pas être pris au premier degré[49], le but étant de démontrer que par la parole, on surpasse son opposant.

Ainsi, les menaces de mort explicites ou sous-entendues dans les différents titres[50] ne seraient suffisantes à prouver une quelconque volonté des rappeurs de susciter un état d'esprit favorable du public à la réalisation imminente d’une atteinte volontaire à la vie ou à l'intégrité physique de son opposant. En effet, les fans de rap ont en principe conscience que la mention du décès de cet opposant est une métaphore à sa chute réputationnelle dans le monde du hip-hop.

L’élément intentionnel de l’infraction semble donc neutralisé par le contexte même dans lequel les allégations ont été faites.

Pour autant, dans les rap battles, le rappeur doit démontrer son talent en mettant notamment en lumière les défauts de son adversaire. Les allégations doivent donc être suffisamment crédibles pour porter un coup utile à ce dernier.

Quand bien même le rappeur n’apporterait pas, dans sa chanson, d’éléments factuels au soutien de ses dires, les auditeurs peuvent s’interroger sur leur véracité, voire les prendre pour argent comptant, et ainsi susciter de la haine ou de la violence à l’égard de la personne visée. On peut notamment le constater dans quelques vidéos de Youtubeurs fans de rap qui réagissent aux différents diss tracks.

Une autre allégation de Kendrick Lamar est intéressante à cet égard. En effet, dans un couplet de Not Like Us, Kendrick Lamar dépeint sur plusieurs vers le comportement de Drake qui, selon lui, se rapprocherait de celui des colons à la création des Etats-Unis alors que l’esclavage était de coutume : le ressortissant canadien utiliserait pour son bénéfice personnel le travail des jeunes artistes afro-américains émergents sur la scène du rap à Atlanta, dans l’Etat de Géorgie au Sud des Etats-Unis[51]. Le refrain du titre, à savoir la répétition de la phrase « They’re not like us » (« ils ne sont pas comme nous ») renforce la stigmatisation qui est faite de Drake et de son entourage, accentuée par la pochette de la chanson qui n’est autre que l’image Google maps de la résidence de Drake à Toronto avec des « épingles » de géolocalisation semblables à celles utilisées pour localiser les délinquants sexuels fichés.

Or, la jurisprudence française reconnait que « les expressions « envahisseurs », « occupants de notre sol », « étrangers irrespectueux et nuisibles », induisent une notion d’agression, et tendent à susciter un sentiment de haine ou des actes de discrimination envers les immigrés, considérés comme un groupe de personnes, et visés à raison de leur non-appartenance à la communauté française »[52].

Cette comparaison pourrait donc tendre à susciter un sentiment de haine à l’égard de Drake, une ostracisation notamment dans un contexte politique américain particulièrement tendu et façonné, entre autres, par un racisme systémique ayant pour origine la période esclavagiste du pays.

Quelques jours après la sortie de ces diss tracks, la résidence de Drake à Toronto a été la cible d’une fusillade, dont les auteurs n’ont pas été identifiés et seraient toujours en fuite. Quand bien même les autorités canadiennes n’ont, pour le moment, pas établi de lien avec la rap battle, les médias n’ont cependant pas manqué, compte tenu du timing, de faire le rapprochement[53].

 

Conclusion

Il semble peu probable que Kendrick Lamar ou Drake porte cette affaire devant les tribunaux. Ils pourraient de toute évidence soutenir que les paroles hyperboliques d’une rap battle ne sont pas à prendre au pied de la lettre, à l’instar de toute autre chanson de rap. Il est également difficile de les imaginer revenir sur les accusations émises dans leurs diss tracks, car cela pourrait nuire à leur crédibilité.

Quoi qu’il en soit, cette confrontation a offert aux fans de hip-hop l’opportunité d’écouter et d’analyser les paroles de deux grands artistes, qui sont désormais prêts pour la sortie du prochain album d’Eminem cet été.

 

[1]        Rap on trial - Rage, lyrics, and guilt in America, Erik Nielson et Andrea L. Dennis, the New Press, New York, 2019, p. 49-52.

[2]        « Original Gangster » ou « Gangster d’origine » est une expression souvent utilisée pour désigner les meilleurs dans un domaine particulier. Il s’agit également de l’argot utilisé comme marque de respect pour les pionniers du hip hop.

[3]        Traduction libre : « Quand tu mets tes mains sur ta copine, est-ce de l’auto-défense parce qu’elle est plus grande que toi ? (…)

Ils ont engagé une équipe de gestion de crise pour faire disparaître le fait que tu as frappé ta reine »

[4]        « I don't wanna fight with a woman beater, it feeds your nature (…)

And Whitney, you can hit me if you need a favor / And when I say I hit ya back, it's a lot safer », The Heart Part 6, Drake (https://genius.com/Drake-the-heart-part-6-lyrics).

[5]        Le nom de famille de Drake étant Graham, Kendrick Lamar s’adresse à chacun des membres de sa famille dans ce morceau, y compris une prétendue fille cachée de 11 ans.

[6]        « Him and Weinstein should get fucked up in a cell for the rest their life », meet the grahams, Kendrick Lamar (https://genius.com/Kendrick-lamar-meet-the-grahams-lyrics).

[7]        Traduction libre : « Dis, Drake, je comprends que tu les aimes jeunes / Tu n’as pas intérêt à te retrouver dans une cellule de prison / A toutes les salopes qui lui parlent et sont amoureuses / Assurez-vous de lui cacher votre petite sœur (…)

Certified Lover Boy ? Pédophiles certifiés (…)

T’essaies de jouer une note et c’est probablement (L)A-mineur ».

[8]        Par exemple, dans le diss track de Pusha-T intitulé The Story of Adidon diffusé à l’attention de Drake, le rappeur américain a révélé que Drake était le père d’un enfant qu’il n’avait pas reconnu – allégation qui s’est avérée vraie.

[9]        L’action en diffamation engagée devant le juge canadien serait probablement recevable, mais l’analyse se concentrera sur le droit américain et le droit français.

[10]       U.S. Code, Titre 28, § 4101 ; https://www.law.cornell.edu/wex/defamation.

[11]       Article 55 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.

[12]       Cass. 1re civ., 12 juill. 2006, n° 05-17.704, Bull. 2006 I N° 395 p. 340.

[13]       U.S. Court of Appeals for the First Circuit, 26 septembre 1997, Levinsky's, Inc. c. Wal-mart Stores, Inc. - 127 F.3d 122.

[14]       Cass. crim., 29 oct. 1991, n° 90-87.435, Bull. crim., 1991 N° 387 p. 968.

[15]       Infractions de presse (Janvier 2018 – Décembre 2018), E. Tordjman et G. Rialan, 24 avril 2019, Légipresse n°369.

Cass. crim., 27 févr. 2018, n° 17-81.123, C. Estrosi et A., parmi les paroles de la chanson poursuivie intitulée Christian Estrosi de Infinit, on peut y trouver : 

« Zin, j'ai aucun diplôme comme Christian Estrosi / Christian Estrosi, Chri-Chri-Christian Estrosi / Mais j'vais devenir maire comme Christian Estrosi / Christian Estrosi, Chri-Chri-Christian Estrosi / Rolex, quinze mille, pétasse, moi c'est Christian / Costard, vingt mille, pétasse, moi c'est Christian / Chauffeur, berline, pétasse, moi c'est Christian / La crise ? Ahahah, pétasse moi c'est Christian (…) Sapes de proxénète, pé-pé-pé-pétasse donne-moi l'enveloppe / Oui j'prends des chèques, oui j'prends de l'or, mais c'est mes affaires, reste en dehors / J'ai des goûts de luxe, j'aime les belles femmes toutes nues et le langage soutenu / J'ai des connaissances, haut placées / Teste et on parlera de toi au passé (…) / J 'suis mon propre boss, j’fais mes propres lois comme dans une ville sans policier / J’ai ma propre dream team, on est tous en costard, on est six, on vaut si cher! / Mafia russe, mafia corse, mafia hongroise / J’ai du taff à proposer dans la rue à tous les malfrats qu’on croise / Ne te mets pas dons ma ligne de mire ou sur ma liste noire / Et fais attention à ce que tu risques de croire ou ton créateur tu vas vite le voir / Vote pour moi, vote pour moi, vote pour moi / J’peux pas être raciste tous mes gardes du corps ont des Glocks tout noirs / J’ai dit vote pour moi, pétasse, con de ta mère, vote pour moi / Vote pour moi, besoin d’hélicoptères, de vols en première classe / J’suis devenu accro depuis ma première liasse (…) ».

[16]       TGI Paris, réf., 17 oct. 2014, n° 14/57895.

[17]       Cass. civ., 3 nov. 2016, n° 15-24.879, considérant que l’imputation de l’infidélité conjugale ne porte pas atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne visée.

[18]       La photo de couverture de la chanson étant une vue aérienne de la résidence de Drake avec des « épingles » indiquant la présence de plusieurs délinquants sexuels fichés à l’intérieur.

[19]       « Say, Drake, I hear you like 'em young / You better not ever go to cell block one / To any bitch that talk to him and they in love / Just make sure you hide your lil' sister from him / They tell me Chubbs the only one that get your hand-me-downs / And Party at the party playin' with his nose now /And Baka got a weird case, why is he around? / Certified Lover Boy? Certified pedophiles / Wop, wop, wop, wop, wop, Dot, fuck 'em up / Wop, wop, wop, wop, wop, I'ma do my stuff / Why you trollin' like a bitch? Ain't you tired? / Tryna strike a chord and it's probably A minor », Not like us, Kendrick Lamar (https://genius.com/Kendrick-lamar-not-like-us-lyrics) (soulignement ajouté).

« And your homeboy need subpoena, that predator move in flocks / That name gotta be registered and placed on neighborhood watch », Not Like Us, Kendrick Lamar (https://genius.com/Kendrick-lamar-not-like-us-lyrics) (soulignement ajouté).

[20]       Cour Suprême des Etats-Unis, 9 mars 1964, The New York Times Co. c. Sullivan, 376 U.S. 254.

[21]       Cour Suprême des Etats-Unis, 12 juin 1967, Curtis Publishing Co. c. Butts, 388 US 130.

[23]       Cour Suprême des Etats-Unis, 25 juin 2974, Gertz v. Robert Welch, Inc., 418 U.S. 323, 351, cité dans la décision US District Court Central District of California, 18 novembre 2019, Vernon Unsworth v. Elon Musk, n° 2:2018cv08048.

[24]       En anglaise, « with knowledge that it was false or with reckless disregard of whether it was false or not." (Cour Suprême des Etats-Unis, 9 mars 1964, The New York Times Co. c. Sullivan, 376 U.S. 298).

[25]       Voir notamment U.S. District Court for the Northern District of Georgia, Almanzar c. Kebe, 2019, arrêt dans lequel la Cour fédérale du District Nord de Géorgie a alloué près de 4 millions de dollars en dommages et intérêts à la rappeuse Cardi B à la suite de la publication de plusieurs vidéos d’une Youtubeuse qui y allégué que Cardi B avait été une prostituée, avait contracté des infections sexuellement transmissibles et consommé de la cocaïne.

https://www.nytimes.com/2022/01/25/arts/music/cardi-b-tasha-k.html.

[26]       Cour Suprême des Etats-Unis, 25 juin 2974, Gertz v. Robert Welch, Inc., 418 U. S. 348-350.

[30]       Cass. crim., 7 janv. 2020, n° 18-85.620, Publié au bulletin.

[31]       « This ain't been about critics, not about gimmicks, not about who the greatest / It's always been about love and hate, now let me say I'm the biggest hater / I hate the way that you walk, the way that you talk, I hate the way that you dress / I hate the way that you sneak diss, if I catch flight, it's gon' be direct / We hate the bitches you fuck 'cause they confuse themself with real women / And notice, I said "we," it's not just me, I'm what the culture feelin' », Euphoria, Kendrick Lamar (https://genius.com/Kendrick-lamar-euphoria-lyrics).

         « I'm praying you recover from both incidents / But you a piece of shit, so this shit really no coincidence », The Heart Part 6, Drake (https://genius.com/Drake-the-heart-part-6-lyrics).

[32]       Par exemple, Kendrick Lamar indique dans sa chanson Euphoria : « Surprised you wanted that feature request, / you know that we got some shit to address », laissant imaginer que les deux artistes ont interagi loin des projecteurs.

         (Traduction libre : « Surpris que tu veuilles une invitation sur un de mes titres, / tu sais que nous avons des problèmes à régler. », https://genius.com/Kendrick-lamar-euphoria-lyrics).

[33]       Cass. crim., 11 déc. 2018, n° 18-80.525 ; « Rap et débat d'intérêt général : quand le juge mêle utilement rigueur et bienveillance », Nathalie Droin, 3 octobre 2019 - Légipresse N°374, en l’espèce les paroles poursuivies dénonçaient le racisme en France.

[35]       « Ayy, LeBron, keep the family away, hey, Curry, keep the family away / To anybody that embody the love for their kids, keep the family away / They lookin' at you too if you standin' by him, keep the family away / I'm lookin' to shoot through any pervert that lives, keep the family safe », meet the grahams, Kendrick Lamar (https://genius.com/Kendrick-lamar-meet-the-grahams-lyrics).

[36]       Crim. 5 sept. 2023, n° 22-84.763, F-B.

[37]       U.S. Code, Titre 18, § 373.

[38]       Par exemple, dans l’affaire de la Cour Suprême des Etats-Unis, 9 juin 1969, Brandenburg c. Ohio, 395 U.S. 444, 447, la Cour statue sur une infraction prévue par la loi de l’Etat de l’Ohio relative au syndicalisme criminel (the Ohio Criminal Syndicalism Statute) qui interdit de « prôner » la violence comme moyen de changer des circonstances politiques ou économiques.

         Un autre exemple est l’ancien §722 du Code pénal de l’Etat de New-York qui interdit l’incitation à causer des troubles à l’ordre public (« incitement of a breach of the peace »), mentionné dans l’affaire de la Cour Suprême des Etats-Unis, 15 janvier 1951, Feiner v. New York, 340 U.S. 315.

[39]       Cour Suprême des Etats-Unis, 9 juin 1969, Brandenburg c. Ohio, 395 U.S. 444, 447.

[40]       Cour Suprême des Etats-Unis, 15 janvier 1951, Feiner v. New York, 340 U.S. 315.

[41]       CA Rouen, 14 déc. 2005: JCP 2006. IV. 2412.

[42]       Le gouvernement a eu l’occasion de rappeler cette jurisprudence constante lorsqu’il a été interrogé par le député des Hauts de Seine, Roger Karoutchi (Les Républicains) en juillet 2022 sur la réponse qu’il entendait donner « à la prolifération des chants de haine en France et y mettre un terme », le député prenant comme exemple les vidéos et chansons de plusieurs rappeurs français qui, selon lui, sous couvert de la créativité artistique, inciteraient à la haine et à la violence en toute impunité ; par exemple, le classement sans suite de l’enquête ouverte contre un rappeur pour « apologie de crime d’atteintes volontaires à la vie aggravée au regard de son clp intitulé « Doux pays » dans lequel il indiquait « J’ai baisé la France jusqu’à l’agonie » et mettait en scène l’assassinat d’une jeune femme.

(https://www.senat.fr/questions/base/2022/qSEQ220700310.html).

[43]       Cass. crim., 11 déc. 2018, n° 18-80.525 ; « Rap et débat d'intérêt général : quand le juge mêle utilement rigueur et bienveillance », Nathalie Droin, 3 octobre 2019 - Légipresse N°374.

[44]       CA Rouen, 14 déc. 2005: JCP 2006. IV. 2412.

[45]       CA Versailles, 8e ch., 18 févr. 2016, n° 15/02687.

[46]       TGI Paris, 19 mars 2019, cité dans la réponse du gouvernement,

(https://www.senat.fr/questions/base/2022/qSEQ220700310.html).

[47]       « I think n***** like him should die », meet the grahams, Kendrick Lamar (https://genius.com/Kendrick-lamar-meet-the-grahams-lyrics).

[48]       «You're dead / You're dead, you're dead /There's nowhere to hide, there's nowhere to hide, you know what I mean », Family Matters, Drake (https://genius.com/Drake-family-matters-lyrics).

[49]       Rap on trial - Rage, lyrics, and guilt in America, Erik Nielson et Andrea L. Dennis, the New Press, New York, 2019, p. 51.

[50]       « I've emptied the clip over friendlier jabs », Family Matters, Drake (https://genius.com/Drake-family-matters-lyrics).

         « It's three GOATs left, and I seen two of them kissin' and huggin' on stage / I love 'em to death, and in eight bars, I'll explain that phrase, huh (…) I pray they my real friends, if not, I'm YNW Melly », Euphoria, Kendrick Lamar. Pour la parfaite information du lecteur, Kendrick Lamar fait référence à YNW Melly, un rappeur qui a été accusé du meurtre de deux rappeurs étroitement liés à son collectif musical, insinuant que ses amis (i.e., Drake et le rappeur J. Cole) pourraient partager le même sort.

[51]       « Once upon a time, all of us was in chains / Homie still doubled down callin' us some slaves / Atlanta was the Mecca, buildin' railroads and trains / Bear with me for a second, let me put y'all on game / The settlers was usin' townfolk to make 'em richer / Fast-forward, 2024, you got the same agenda / You run to Atlanta when you need a check balance / Let me break it down for you, this the real n**** challenge / You called Future when you didn't see the club (Ayy, what?) / Lil Baby helped you get your lingo up (What?) / 21 gave you false street cred / Thug made you feel like you a slime in your head (Ayy, what?) / Quavo said you can be from Northside (What?) / 2 Chainz say you good, but he lied / You run to Atlanta when you need a few dollars / No, you not a colleague, you a fuckin' colonizer », Not Like Us, Kendrick Lamar (https://genius.com/Kendrick-lamar-not-like-us-lyrics).

[52]       Cass. crim., 24 juin 1997, n° 95-81.187, Bull. crim., 1997 N° 253 p. 864.

[53]       https://www.francetvinfo.fr/culture/musique/rap/canada-une-enquete-ouverte-apres-une-fusillade-pres-de-la-maison-du-rappeur-drake-a-toronto_6530891.html

https://www.lefigaro.fr/musique/fusillade-pres-de-la-maison-du-rappeur-drake-a-toronto-20240507

https://www.lesinrocks.com/musique/drake-une-fusillade-a-eclate-devant-le-domicile-du-rappeur-617683-07-05-2024/

https://www.20minutes.fr/arts-stars/people/4090362-20240509-intrus-arrete-chez-drake-toronto-apres-coups-feu-devant-domicile

https://www.leparisien.fr/faits-divers/un-blesse-dans-une-fusillade-devant-la-maison-de-drake-a-toronto-le-suspect-en-fuite-07-05-2024-65TNMCH4MJGWTL3Q5U3ZKN5UHI.php

https://www.leparisien.fr/culture-loisirs/drake-contre-kendrick-lamar-ce-que-lon-sait-des-tensions-entre-les-deux-rappeurs-07-05-2024-I7RVCNT7I5BCXJSCWCJFJBIMF4.php

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