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Rappel et précisions sur l’importance de l’inscription en compte dans le cadre du transfert de propriété des actions non cotées (arrêts de la chambre commerciale du 18 septembre 2024)

Article Corporate - M&A | 12/11/24 | 6 min. | Julien Aucomte Virginie Desbois

L’inscription en compte, au vu d’une notification à la société dont le formalisme est libre (sous réserve des dispositions statutaires), est une condition au transfert de propriété des actions non cotées. La date de l’inscription ne peut être antérieure à cette notification.  Le formulaire Cerfa peut valoir « ordre de mouvement ».

Par deux arrêts en date du 18 septembre 2024 (n° 23-10455 et n°22-18436), promis à publication au Bulletin, la chambre commerciale de la Cour de cassation apporte des précisions importantes et, pour certaines inédites, relatives au régime de cession des actions non cotées.

Se fondant en particulier sur les articles L.228-1 et R.228-10 du code de commerce, la chambre commerciale indique :

  • Qu’en cas de cession d'actions non admises aux opérations d'un dépositaire central ou livrées dans un système de règlement et de livraison mentionné à l'article L. 330-1 du code monétaire et financier, le transfert de propriété résulte de l'inscription de ces actions au compte individuel de l'acheteur ou dans les registres de titres nominatifs tenus par la société émettrice[1].
  • Le cessionnaire acquiert la qualité d'actionnaire à la date effective de l'inscription, laquelle est faite à la date fixée par les parties et notifiée à la société émettrice.
  • La date de l’inscription ne peut être antérieure à la notification susvisée, la société pouvant voir sa responsabilité engagée si cette date n'est pas celle fixée par les parties.
  • Un formulaire Cerfa, qui est signé par le cédant et qui comporte toutes les informations nécessaires pour procéder à l’inscription, vaut ordre de mouvement et respecte une disposition statutaire prévoyant que l'inscription au registre des mouvements de titres doit s'effectuer au vu d'un ordre de mouvement signé par le cédant, aucun texte législatif ou réglementaire ne régissant la forme et le contenu de ce document.


En conséquence, une Cour d’appel ne pouvait se fonder sur le droit commun de la vente - contrat consensuel opérant transfert de propriété dès l’accord sur la chose et sur le prix et indépendamment du non-paiement du prix et de l’absence de livraison de la chose vendue - pour considérer que la cession des actions était intervenue et opposable aux tiers dans la mesure où l’acte de cession et les statuts modifiés[2] avaient été déposés auprès du registre du commerce et des sociétés.

L’inscription en compte est donc bien une condition au transfert des actions d’une SA, SAS ou SCA, à la différence du régime applicable à la cession des parts sociales émises par des SARL, SNC ou sociétés civiles. Par « inscription au compte de l’acquéreur », il faut entendre, soit une inscription au compte-titres individuel de l’acquéreur dans les livres de la société, soit une inscription sur le registre de titres nominatifs. A la lecture d’un des arrêts susvisés, une seule inscription semble suffire à réaliser le transfert de propriété, même si, en pratique, il est recommandé de procéder concomitamment à l’inscription sur ces deux documents, lesquels doivent être, à tout moment, réconciliables entre eux.

Dès lors, toute clause contractuelle d’une promesse de vente prévoyant, non pas que le contrat de cession d’actions est réputé signé mais que la cession est parfaite et réalisée dès la levée de l’option, se heurterait à cette exigence d’inscription en compte. Il faudrait en effet se placer sur le terrain de l’exécution forcée pour obtenir l’effectivité du transfert.

Par ailleurs, conformément aux textes susvisés, l’inscription en compte doit être effectuée par le teneur des registres (le plus souvent, la société émettrice) au vu d’une notification préalable. La chambre commerciale érige la date de notification en date de référence puisque la date de transfert de propriété, fixée par les parties, ne peut être antérieure à la notification. Aucun effet anticipé ou « rétroactif » n’est ainsi admis. La solution dégagée par la Cour de cassation rejoint la majorité de la doctrine et s’explique pour des raisons de sécurité juridique. Une solution inverse fragiliserait, par exemple, la validité de décisions collectives adoptées entre la date de transfert retenue par les parties et la date matérielle de l’inscription.

La responsabilité de la société pourra être engagée en cas d’inscription tardive ou de non-inscription de la cession mais non dans le cas où, refusant de procéder à l’inscription à une date antérieure à la notification, elle l’inscrit à la date à laquelle celle-ci lui a été notifiée.

Dès lors, même si certains auteurs invitent à relativiser la portée de l'inscription en compte[3], on ne peut qu’insister sur son importance tant le non-respect de cette formalité fragilise la propriété des actions. Même si les registres de mouvement de titres sont en général modifiés lors du closing d’une opération, il reste recommandé, notamment en cas de closing à distance ou de risque de contentieux, de prévoir également la délivrance d’une preuve de la notification effectuée à la société émettrice dès la date de réalisation.

Enfin, si l’exigence formelle d’un « ordre de mouvement » n’apparait pas dans les dispositions susvisées du code de commerce, les statuts prévoient souvent la remise de ce document en vue de procéder à l’inscription. De manière pragmatique, la chambre commerciale admet, dans un des arrêts susvisés, que le formulaire Cerfa – signé par le cédant – équivaut à ce document s’il contient les informations nécessaires à la retranscription de la cession. Elle est conforme à la position exprimée récemment par l’ANSA (avis n° 24-017 du 6 mars 2024). Il convient cependant de réserver le cas où les statuts fixent des exigences supplémentaires (par exemple, courriel ou courrier AR comprenant telles mentions obligatoires, recours au modèle AFNOR n° NF K 12-500).
 
[1] Cette inscription peut être faite dans un dispositif d'enregistrement électronique partagé, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat.
[2] Mentionnant les cessionnaires en qualité d’associés.
[3] Considérant qu’elle ne crée pas de présomption irréfragable de propriété ou que le défaut d’inscription n’interdit pas, dans certains cas, de revendiquer la qualité d'actionnaire.
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