Article Private Equity Corporate - M&A | 24/04/20 | 28 min. | Julien Aucomte Julien Wagmann Virginie Desbois Maxime Legourd
Les conséquences engendrées par la crise sanitaire n’épargnent pas les opérations d’acquisition d’actions. Elles amènent en effet les parties à une opération en cours[1] à se poser un certain nombre de questions quant à la teneur de leurs engagements. Elles conduisent également les négociateurs et rédacteurs des contrats à venir à repenser la rédaction de certaines clauses en vue d’essayer d’appréhender, dans la mesure du possible, les risques engendrés par la période d’incertitude qui s’ouvre aujourd’hui[2].
A la lumière des nombreux échanges avec nos clients, cet article a vocation à faire le point sur un certain nombre de ces interrogations, en reprenant les thèmes et articles centraux d’un contrat d’acquisition d’actions.
Clauses de prix
Le mécanisme de « locked box » repose sur la détermination du prix par l’acquéreur sur la base de (i) comptes de référence, (ii) sa capacité à anticiper et intégrer dans sa valorisation les résultats de la période intermédiaire (c’est-à-dire de la période entre la date de ces comptes et la date du closing) et (iii) l’absence de sortie de cash du groupe cible vers les vendeurs et assimilés pendant cette période.
Or, les incertitudes engendrées par la crise sanitaire peuvent rendre difficile l’anticipation de la performance du groupe cible pendant cette période et ainsi accroitre le risque d’une sous performance pesant, dans un tel mécanisme, sur l ’acheteur. En conséquence, il est possible que plus d’acheteurs soient tentés de délaisser temporairement ce mécanisme au profit de celui des « closing accounts ». En effet, ce dernier mécanisme, qui repose sur l’établissement d’une situation comptable au jour du closing et un ajustement du prix initial en fonction de certains éléments comptables à cette date (dette nette, BFR, etc.), permet à l’acquéreur d’aligner la valorisation du groupe cible sur la date de transfert de propriété et ainsi de supporter, d’une manière moindre, les résultats de la période intermédiaire.
Cependant, si l’acquéreur peut se sentir plus confortable avec un tel mécanisme, ses inconvénients (coût d’établissement d’une situation comptable, incertitude sur le prix définitif, risque plus important de contentieux post-closing) peuvent freiner les parties et, en particulier les vendeurs, qui, de leur côté, pourraient insister sur le recours au mécanisme de « locked box » (associé, si besoin, à un octroi plus fréquent de MAC clauses[3]) ou, dans ces conditions, souhaiter reporter leur projet de vente.
Les mécanismes de complément de prix (dit d’« earnout ») ou de promesses d’achat ou vente reposent sur des formules de prix contractuelles intégrant généralement l’atteinte d’un certain niveau de performance par le groupe cible, exprimée par des agrégats financiers type EBITDA, EBIT ou EBE.
En conséquence, un certain nombre de contrats d’acquisition en cours intégrant des critères de performance et qui seraient déterminés sur la base de la période actuelle ou de périodes futures proches risquent d’aboutir à une détermination du prix significativement plus basse que celle projetée par les parties, aboutissant à des effets d’aubaine pour les acheteurs et des effets très défavorables pour les vendeurs. Certes, ces mécanismes reposent sur le principe d’une gestion de la cible selon le cours normal des affaires, laquelle ne doit pas être conduite dans un sens susceptible d’impacter de manière négative la satisfaction des critères de performance au cours de la période concernée. Cependant, l’impact brutal de la crise sanitaire sur le cours normal des affaires n’est pas un élément relevant totalement du contrôle des parties (même si la gestion de la cible par ses dirigeants est un élément important dans la limitation, ou, au contraire l’aggravation de cet impact) et, ainsi, n’est généralement pas intégré en tant que tel dans les engagements des parties au titre de la période de référence pour l’atteinte des critères de performance.
S’agissant des contrats en cours, le mécanisme légal de l’imprévision prévu à l’article 1195 du Code civil et introduit dans notre droit en 2016, qui permet une renégociation d’un contrat en cas de changement imprévu de circonstances qui rendrait son exécution excessivement onéreuse pour l’une des parties (en passant, si besoin, par le juge), n’est pas applicable aux opérations portant sur des actions conclues après le 1er octobre 2018. Il est de plus généralement contractuellement exclu par les parties dans les contrats antérieurs. Ainsi, seule une renégociation contractuelle des mécanismes d’ajustement prévus pourrait être demandée. A ce titre, l’obligation de bonne foi dans l’exécution du contrat pesant sur les parties n’a probablement pas comme conséquence à elle seule d’obliger l’acquéreur à renégocier.
S’agissant de mécanismes d’ « earnout » intégrés dans les contrats en cours et reposant sur une assistance du vendeur au cours d’une période transitoire incluant la période en cours, la réduction significative (voire l’arrêt) de l’activité pendant cette période impacte à la fois l’octroi d’une telle assistance et les conditions déclenchant le paiement de l’ « earnout ». Par ailleurs, les difficultés de trésorerie pourraient conduire l’acheteur à souhaiter un décalage de paiement du complément de prix dû en 2020. Ainsi, les deux parties pourraient avoir intérêt à renégocier le mécanisme contractuel actuel.
En tout état de cause, les indicateurs financiers à prendre en compte (avec le cas échéant la fixation de montants plancher), ainsi que la période de référence des indicateurs choisis (laquelle pourrait intégrer plusieurs périodes afin de réduire l’impact de la crise sur la satisfaction des critères) devront être soigneusement calibrés.
Il nous semble que ces considérations valent également pour les contrats d’acquisition à venir en raison des incertitudes pesant sur la conduite « normale » des affaires au cours des mois prochains. En effet, dans un contexte de difficulté de valorisation des sociétés, se traduisant par des valorisations plus prudentes et ainsi plus basses, l’insertion de compléments de prix prenant en compte les performances futures du groupe cible pourrait être plus fréquente. Or, l’impact Covid 19 risque d’être difficile à anticiper et calibrer. La même difficulté existe s’agissant de la détermination du prix des options d’achat et de vente.
Les contrats d’acquisition contenant un mécanisme d’ajustement de prix sur la base de « closing accounts » organisent une procédure de détermination du prix final post closing, après établissement des « closing accounts » et communication par l’acquéreur de sa proposition d’ajustement du prix provisoire sur la base de ces comptes. Cette procédure contractuelle est encadrée par des délais d’échange de propositions d’ajustements entre l’acquéreur et le vendeur. A cet égard, il est souvent prévu qu’à défaut de réponse du vendeur dans un délai déterminé après réception de la première proposition de l’acheteur, le vendeur est réputé accepter cette proposition, ce qui permet ainsi d’arrêter définitivement le prix final. Ainsi, le respect de ces délais contractuels représente un enjeu, en particulier pour le vendeur. Or, la période actuelle peut rendre plus difficile et plus longue la mise en oeuvre de la procédure d’ajustement.
Dans ce contexte, certains s’interrogent sur la possibilité de demander l’application de l’article 4 de l’ordonnance n°2020-306 du 25 mars, telle que modifiée par l’ordonnance n°2020-247 du 15 avril (l’Ordonnance) pour permettre l’extension des délais contractuels applicables à la procédure d’ajustement – à côté, bien évidemment, de la possibilité pour les parties de proroger ces délais d’un commun accord par avenant au contrat. Cette extension ne pourra en aucun cas être demandée sur le fondement de l’article 2 de l’Ordonnance qui prévoit en effet un mécanisme d’extension des délais légaux et règlementaires, à l’exclusion des délais contractuels.
L’article 4 concerne lui la matière contractuelle et reporte les effets d’une clause résolutoire ou prévoyant une déchéance et qui a pour objet de sanctionner l’inexécution d’une obligation contractuelle qui devait être réalisée dans un délai expirant pendant la « période protégée » (correspondant, sous réserve de modification, à la période allant du 12 mars au 24 juin 2020) ou après ladite période (à condition, dans ce dernier cas, que l’obligation en question ne porte pas sur une somme d’argent).
La question de l’application de cet article se pose en particulier s’agissant du délai impératif susvisé accordé au vendeur pour répondre à la proposition d’ajustement du prix provisoire émanant de l’acheteur. Cette clause pourrait en effet être considérée comme une clause emportant déchéance d’un droit (celui de contester la proposition de prix de l’acheteur) au sens de l’Ordonnance. Si l’Ordonnance s’appliquait, les effets d’une telle déchéance serait reportée après la « période protégée », à l’expiration d’une période calculée conformément à ses termes.[4] Dès lors, faudrait-il en déduire que le report des effets de la déchéance proroge indirectement le délai de réponse du vendeur ? Reste à déterminer, en tout état de cause, si cette clause vise bien à sanctionner l’inexécution d’une obligation contractuelle par le vendeur, à savoir celle de répondre dans un délai déterminé. La réponse peut être débattue : on peut en effet considérer que l’acquéreur n’a pas l’obligation de répondre et peut faire le choix de s’abstenir ; cependant, s’il souhaite répondre, son obligation est bien de répondre dans un délai impératif.
Conditions suspensives
En droit français, ainsi qu’indiqué ci-avant, un contrat d’acquisition portant sur des actions[5] ne bénéficie généralement pas du mécanisme légal d’imprévision prévu à l’article 1195 du Code civil[6].
Dès lors, un acquéreur souhaitant avoir une possibilité de sortir du contrat entre signing et closing doit négocier une MAC (« Material Adverse Change ») clause, laquelle prend généralement la forme d’une condition suspensive permettant aux parties (le plus souvent l’acquéreur) de ne pas réaliser l’opération dans l’hypothèse de la survenance d’évènement significatif défavorable entre signing et closing. Or, si la clause MAC est courante aux Etats-Unis et en Angleterre, son insertion est beaucoup moins fréquente sur le marché français « pré-Covid », marché relativement favorable aux vendeurs. Ainsi, peu de contrats en cours à ce jour contiennent une telle clause.
En tout état de cause, la clause MAC, si elle existe, est généralement de type « company MAC ». Ces types de clauses sont limitées aux évènements attribuables au groupe cible lui-même (accident industriel, grève, perte de contrats significatifs, etc.), à l’opposé de la « market MAC » qui couvre des évènements extérieurs au groupe cible (tels qu’une crise financière, politique, sociale ou affectant les matières premières).
Dès lors, s’agissant des contrats à venir, la demande d’introduction de clauses de type « market MAC » et couvrant les conséquences d’une épidémie (confinement, arrêt de sites, réquisition de la production, etc.) pourrait s’accroitre, notamment dans les secteurs d’activité particulièrement sensibles à ce type de catastrophe sanitaire (tourisme, restauration, spectacles et loisirs de manière générale, etc.) et en considération d’une éventuelle seconde vague de contamination et d’un nouveau confinement. En tout état de cause, la rédaction des MAC clauses devra être soigneusement discutée afin que leur mise en œuvre soit proportionnée aux objectifs des parties et ne constitue pas une possibilité pour l’acquéreur de sortir d’une opération ou d’en renégocier les termes de manière unilatérale. A défaut, les vendeurs risquent d’adopter une attitude attentiste, ne souhaitant pas négocier dans de conditions trop défavorables.
Les contrats d’acquisition conclus sous conditions suspensives prévoient qu’à défaut de réalisation de la cession avant une date butoir (dénommée « long stop date »), et sauf accord des parties, le contrat sera considéré comme caduc. Or, la période actuelle impacte le calendrier de réalisation des conditions suspensives, par exemple les conditions liées à une autorisation règlementaire[7] ou d’un tiers. Ainsi qu’indiqué ci-avant, les délais de réalisation des conditions suspensives expirant au cours de la période en cours ne bénéficient pas de l’extension prévue par l’article 2 de l’Ordonnance.
On pourrait soutenir que l’exigence légale de bonne foi dans l’exécution du contrat doit conduire les parties à examiner une demande de report émanant de l’une d’entre elles liée au dérapage de calendrier, en particulier en ce qui concerne des conditions dont la réalisation n’est pas entièrement sous le contrôle des parties et à condition que la partie responsable de la réalisation d’une telle condition ait fait ses meilleurs efforts en vue de sa réalisation dans le délai contractuel imparti. Inversement, une partie désireuse de mettre un terme à une opération en cours et qui, de ce fait, ne ferait pas ses meilleurs efforts à l’effet de réaliser une condition sous sa responsabilité pourrait se le voir reprocher sur le fondement de l’article 1304-3 du code civil qui prévoit que « la condition suspensive est réputée accomplie si celui qui y avait intérêt en a empêché l'accomplissement ». Pour autant, l’issue d’une demande de report ou d’une contestation sur le fondement de l’article 1304-3 est incertaine.
En conséquence, certains s’interrogent sur la possibilité pour les parties d’invoquer une extension de la « long stop date » sur le fondement de l’article 4 susvisé de l’Ordonnance. En l’espèce, la clause de « long stop date » peut être considérée comme une clause résolutoire (ou, au moins, emportant la déchéance d’un droit, celui de procéder à la réalisation de la cession). Si cet article s’appliquait, le report des effets de la déchéance liée au non-respect de la « long stop date » pourrait-il permettre aux parties de disposer de fait d’un délai supplémentaire pour réaliser les conditions suspensives[8] ? La question porte en particulier sur le fait de savoir si l’objet de cette clause est bien de sanctionner une inexécution contractuelle. Or, encore faudrait-il considérer que la non réalisation d’une condition suspensive dans le délai imparti caractérise l’inexécution d’une obligation, ce qui ne serait en tout état de cause probablement pas le cas si la partie concernée a fait ses meilleurs efforts en vue de la réalisation de la condition. Faudrait-il en déduire que l’Ordonnance n’aurait vocation à s’appliquer qu’en cas de mauvaise exécution de leurs obligations par les parties à l’origine du non-respect de la « long stop date »[9] ? La réponse n’est pas évidente.
Gestion de la période intermédiaire
Classiquement, la clause de gestion du groupe cible au cours de la période entre signing et closing (dite période intermédiaire) permet à un acquéreur de s’assurer que le vendeur, durant cette période, gère le groupe cible de manière raisonnable (anciennement « en bon père de famille ») et dans le « cours normal des affaires ». Le vendeur est ainsi généralement tenu de garder l’acquéreur informé de tout évènement important qui pourrait impacter le groupe cible et de ne pas réaliser un certain nombre d’opérations sortant du cours normal des affaires ou dépassant un seuil de matérialité sans obtenir le consentement préalable de l’acheteur. Cependant, la rédaction de cette clause doit être calibrée afin de se prémunir de plusieurs écueils : (i) un renforcement trop important des droits de l’acquéreur peut se heurter aux limitations du droit de la concurrence[10] ; (ii) une immixtion trop prononcée d’un acquéreur dans la gestion de la société l’expose au risque de voir sa responsabilité engagée en cas de préjudice pour la société cible et/ou le vendeur et pourrait, en fonction des circonstances, affaiblir sa position dans le cadre d’une éventuelle réclamation au titre des déclarations et garanties.
Or, la période actuelle accroit le risque (ou la nécessité) d’une gestion au cours de la période intermédiaire en dehors du cours normal des affaires. Cette situation risque de perdurer au cours des mois prochains.
Dès lors, dans les mois à venir, il est possible que certains acheteurs souhaitent renforcer les obligations du vendeur au titre de la gestion de la période intermédiaire. A tout le moins, en raison de la rédaction de la majorité de ces clauses, les acheteurs pourraient être plus impliqués dans la gestion de cette période, rendant de ce fait les risques décrits ci-dessus accrus.
Garantie contractuelle
Il est probable que les due diligence réalisées par les acquéreurs seront renforcées afin d’analyser (i) la manière dont a été gérée la crise actuelle et ses conséquences et (ii) la préparation du groupe cible, en cas de survenance de nouvelles périodes d’interruption d’activité ou d’une nouvelle crise sanitaire.
Dans ce cadre, l’acquéreur sera probablement très vigilant sur les éléments suivants : mise en place (ou non) de plans de poursuite d’activité en cas de crise sanitaire (par exemple en termes de santé, sécurité et organisation du travail et en lien avec les instances représentatives du personnel), présence ou non dans les contrats significatifs (clients et fournisseurs) de clauses de pénalités et de force majeure, définition de telles clauses, répartition géographique des chaines d’approvisionnement et des partenaires commerciaux, respect des conditions d’octroi des aides d’Etat Covid (PGE, report des échéances, chômage partiel etc.), traitement de la violation des covenants financiers du fait de la crise sanitaire.
Ces sujets seront le cas échéant traités via le mécanisme de déclarations et garanties ou feront l’objet de dispositions contractuelles spécifiques.
La réitération des déclarations et garanties du vendeur à la date du closing est une pratique courante (même si non systématique). La violation de ces déclarations et garanties entre le signing et le closing entraine, dans la plupart des cas, la mise en jeu de la responsabilité du vendeur selon les termes et conditions de la garantie contractuelle négociée. Peu de contrats actuels prévoient en effet une clause de sortie au profit de l’acquéreur ou du vendeur dans ce cas ou une possibilité de mise à jour des « disclosures » (éléments révélés par le vendeur) entre signing et closing qui seraient exonératoires de responsabilité pour le vendeur.
Or, la crise sanitaire actuelle pourrait faire craindre une augmentation du nombre d’évènements susceptibles d’impacter l’exactitude des déclarations et garanties réitérées par le vendeur à la date du closing, notamment en ce qui concerne les relations avec les fournisseurs et les clients, les échéances de paiement ou encore les litiges à venir.
Cette situation pourrait également impacter les contrats à venir en raison des risques business engendrés par la crise économique qui se profile ou si de nouvelles périodes d’interruption d’activité étaient nécessaires. Les parties pourraient alors chercher à couvrir plus spécifiquement cette période, en insérant des clauses de sortie permettant à l’acheteur (voire aux parties) de ne pas réaliser l’opération en cas de violation des déclarations et garanties entre signing et closing ayant un impact négatif (avec des seuils de matérialité à négocier), ce qui en réalité revient à introduire un concept similaire à la MAC clause mais plus spécifique.
Il conviendra toutefois de trouver un équilibre entre la protection du vendeur (qui ne souhaitera pas ouvrir une porte de sortie trop facile à l’acquéreur avant le closing et qui pourrait être significativement impacté en cas de mise en jeu de sa responsabilité en tant que garant du fait d’évènements intervenant entre le signing et le closing) et l’acquéreur (le traitement de la période entre signing et closing en simple mécanisme de responsabilité contractuelle du vendeur pouvant s’avérer insuffisant en fonction de l’évènement considéré et du fait de l’aléa et du temps liés à la mise en jeu de la garantie).
Toute crise économique accroit la volonté et la nécessité pour les créanciers de sécuriser les engagements de paiement de leur débiteur. En conséquence, il est probable que les opérations d’acquisition n’échappent pas à ce constat et qu’ainsi l’acquéreur souhaite sécuriser davantage encore l’obligation de paiement pesant sur le vendeur en cas de mise en jeu de la garantie. Il en sera d’ailleurs certainement de même côté vendeur pour toute obligation de paiement différé qui pèserait sur l’acheteur.
Si le mécanisme de garantie bancaire à première demande apparait le plus protecteur pour l’acquéreur, son coût déjà élevé à l’heure actuelle et qui risque d’augmenter du fait d’un risque accru pour la banque de sa mise en jeu ne devrait pas rendre son utilisation facilitée. La garantie maison mère restera une solution lorsque le vendeur appartient à un groupe financièrement solide. Le séquestre continuera à pouvoir être mis en place même s’il présente des difficultés de mise en œuvre indéniables en cas de conflit entre les parties et n’apparait ainsi pas très protecteur pour l’acheteur.
Face aux faiblesses de chacun de ces mécanismes, on observe ces dernières années une tendance accrue des parties à recourir à l’assurance de garantie de passif (en particulier dans les processus d’enchères). Si ce mécanisme repose sur la substitution de l’assureur (en tout ou partie) au garant, il devrait également être amené à évoluer lui aussi.
La police d’assurance garantie de passif est a priori un accessoire à la garantie contractuelle et suppose ainsi l’octroi par le vendeur d’une telle garantie (même si les garanties actuelles permettent une « clean exit » du vendeur, c’est-à-dire l’absence de responsabilité résiduelle du vendeur, sauf fraude). A défaut, les garanties de passif pourraient être accordées par le management du groupe cible, mais probablement à la condition d’absence de recours à leur égard.
Par ailleurs, afin de bénéficier d’une couverture satisfaisante, des due diligences doivent être réalisées dans les matières couvertes par la police, ce qui engendre pour l’acquéreur un coût qui peut s’avérer important et impactant le calendrier de réalisation.
Il conviendra donc suivre l’évolution de l’offre d’assurance dans un contexte de crise économique et le coût d’une telle assurance (qui, du fait de la concurrence accrue, avait sensiblement diminué), en particulier dans des secteurs très significativement impactés et dans l’hypothèse d’une diminution des déclarations et garanties octroyées par les vendeurs et de la volonté (probable) de l’acquéreur de réduire les couts accessoires à la réalisation d’une opération.
La durée contractuelle de la garantie correspond à la période au-delà de laquelle son bénéficiaire est déchu de son droit de demander sa mise en œuvre. Ainsi, le garant n’est plus tenu d’indemniser une réclamation notifiée après l’expiration de cette période.
Quid de l’application de l’article 4 susvisé de l’Ordonnance aux garanties dont la durée expire au cours de, ou après, la « période protégée » ? Certes, la clause sur la durée de la garantie emporte déchéance du droit à indemnisation de l’acheteur. Pour autant, vise-t-elle à sanctionner l’inexécution par ce dernier d’une obligation contractuelle ? L’acquéreur n’a en effet pas l’obligation de notifier des réclamations mais s’il le fait, il doit le faire avant le terme contractuel de la garantie. Dès lors, demander une prorogation générale de la garantie sur ce fondement semble compliqué. La question pourrait cependant être soulevée s’agissant par exemple d’un acquéreur qui, pour une réclamation spécifique révélée au cours de la « période protégée », serait déchu de son droit à indemnisation pour ne pas l’avoir notifiée avant le terme contractuel expirant pendant la « période protégée ». Si cet acquéreur pouvait utilement invoquer le report des effets de la déchéance de son droit d’indemnisation, il pourrait éventuellement disposer d’un délai supplémentaire pour notifier sa réclamation pendant la période de report. Là encore, l’application de l’Ordonnance au cas d’espèce pourrait être débattue.
Note pratique August Debouzy : vous avez d’autres questions sur ce sujet ; n’hésitez pas à nous les envoyer (vdesbois@august-debouzy.com). Elles alimenteront éventuellement les prochains flashs sur ces sujets.
[1] C’est à dire entre le signing et le closing ou encore au stade de l’exécution de certaines obligations contractuelles.
[2] Notamment, si des nouvelles vagues de contamination et de confinement étaient décidées ou du fait de la difficulté de mesurer l’ampleur des conséquences de la période actuelle.
[3] Cf. ainsi que détaillé ci-dessous.
[4] Dans le cas d’un délai de réponse expirant pendant la « période protégée », le délai serait étendu, pendant une période commençant à l’expiration de cette période et égale au temps écoulé entre le 12 mars (ou la date de naissance de l’obligation, si le contrat est signé après) et la date à laquelle l’obligation aurait dû être réalisée (soit la date limite de réponse). Dans le cas d’un délai de réponse expirant après la « période protégée », le délai serait étendu d’une durée égale au temps écoulé entre le 12 mars (ou la date de naissance de l’obligation, si le contrat est signé après) et la fin de la « période protégée ».
[5] Contrairement aux contrats de cession de parts sociales de SARL, de SCI ou de SNC.
[6] Les opérations sur actions ont en effet été exclues du champ d’application de cet article par la loi de ratification de 2018 de l’ordonnance de février 2016 portant réforme du droit des contrats.
[7] Notamment en raison de la suspension par l’Ordonnance des délais et procédures en matière administrative.
[8] Dans le cas d’une « long stop date » expirant pendant la « période protégée », cette date serait étendue, pendant une période commençant à l’expiration de cette période et égale au temps écoulé entre le 12 mars (ou la date de naissance de l’obligation, si le contrat est signé après) et la date à laquelle l’obligation aurait dû être réalisée (soit la « long stop date »). Dans le cas d’une « long stop date » expirant après la « période protégée », cette date serait étendue d’une durée égale au temps écoulé entre le 12 mars (ou la date de naissance de l’obligation, si le contrat est signé après) et la fin de la « période protégée ».
[9] Situation qui permettrait également en fonction des circonstances l’application de l’article 1304-3 précité du code civil, même si l’issue d’une telle application est aléatoire.
[10] Problématique du « gun jumping » - interdiction de réalisation anticipée d’une opération soumise au contrôle des concentrations.