Article Immobilier et Construction Droit européen Droit public et commande publique Droit de l’environnement | 04/12/20 | 7 min. | Vincent Brenot Emmanuelle Mignon Hélène Billery
Comme l’indique l’exposé de ses motifs et le souligne son acronyme en pied de nez à la loi Toubon, la loi pour l’accélération et la simplification de l’action publique (dite « loi ASAP »), partiellement validée par le Conseil constitutionnel par sa décision n°2020-807 DC du 3 décembre 2020 et dont la promulgation est imminente, vise à permettre l’accélération des procédures administratives pour les citoyens et les personnes morales et comporte plusieurs dispositions relatives à la commande publique. Nous mentionnons ici les plus significatives :
Cette disposition est la plus controversée du texte en raison de son caractère extrêmement confus et de son emplacement dans un article issu de l’ancien code des marchés publics qui a déjà soulevé beaucoup d’interrogations. Le Gouvernement a indiqué que « pour sécuriser juridiquement les évolutions réglementaires qui pourraient intervenir pour simplifier la conclusion de certains marchés, notamment dans des secteurs confrontés à des difficultés économiques importantes ou constituant des vecteurs essentiels de la relance économique, la mesure proposée vise à ajouter l’intérêt général comme cas de recours possible à un marché passé sans publicité ni mise en concurrence. Il devrait notamment permettre de renforcer le tissu économique des territoires en facilitant la conclusion des marchés avec des PME qui n’ont souvent pas les moyens techniques et humains pour s’engager dans une mise en concurrence ». Par ailleurs, il est clair que ce motif de dérogation n’est pas prévu par le droit de l’Union européenne, qui considère au contraire que l’intérêt général commande la mise en œuvre de procédures de publicité et de mise en concurrence.
La validation de cet article par le Conseil constitutionnel tient sans doute au fait que les cas dans lesquels un tel motif sera de nature à permettre aux acheteurs de se dispenser des procédures de publicité et de concurrence seront précisés par un décret en Conseil d’Etat. Il est vraisemblable que cela ne pourra guère se traduire par autre chose que l’élévation des seuils ;
Concrètement, il s’agit d’une codification des dispositions de l’Ordonnance du 25 mars 2020 qui ont permis, lors de la première période d’état d’urgence sanitaire, de déroger à certaines règles du code de la commande publique. Ces nouvelles dispositions permettront de disposer d’un cadre juridique déjà en place en cas de nouvelle crise, qu’il s’agisse d’une guerre, d’une épidémie ou d’une catastrophe naturelle. Dans une version antérieure du texte, l’hypothèse d’une crise économique majeure a également été évoquée. Un décret sera toutefois nécessaire pour prévoir, selon la nature et l’intensité de la crise, l’application au cas par cas de ces mesures dérogatoires pour une durée maximum de deux ans. Les dérogations envisagées portent principalement sur l’adaptation des procédures de passation en cours au moment du déclenchement de la crise et les délais d’exécution des contrats existants ;
On peut regretter que la loi ASAP n’ait pas permis de tirer les conséquences de la décision Vert Marine du Conseil d’Etat du 12 octobre 2020, n°419146, par laquelle celui-ci a jugé que « l’exclusion de la procédure de passation des contrats de concession prévue à l’article L. 3123-1 du CCP n’est pas applicable à la personne qui, après avoir été mise à même de présenter ses observations, établit dans un délai raisonnable et par tout moyen auprès de l’autorité concédante, qu’elle a pris les mesures nécessaires pour corriger les manquements correspondant aux infractions mentionnées au même article pour lesquelles elle a été définitivement condamnée et, le cas échéant, que sa participation à la procédure de passation du contrat de concession n’est pas susceptible de porter atteinte à l’égalité de traitement ». Il s’agit de permettre aux candidats ayant fait l’objet d’une condamnation pénale de prouver qu’ils ont remédié à leurs errements, ce que le droit français ne permet pas à l’heure actuelle. Cette décision, prise dans le prolongement d’une réponse à une question préjudicielle posée à la Cour de justice de l’Union européenne, invite le législateur et le pouvoir réglementaire français à revoir leur copie à l’aune du droit européen, mais elle est survenue trop tardivement pour que le Parlement puisse y procéder immédiatement. Ce ne sera donc pas fait… asap !