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Nouveau règlement d’exemption verticale - Acte I

Article Droit de la concurrence, consommation et distribution | 30/05/22 | 15 min. | Alexandra Berg-Moussa Renaud Christol Aurélien Micheli Marc-Antoine Picquier Paul Vialard

•  Focus sur les ventes en ligne[1]


À l’issue d’un processus de consultation publique mené pendant plusieurs mois[2], la Commission européenne (la « Commission ») a adopté le 10 mai 2022 son nouveau règlement d’exemption verticale (le « Règlement »)[3] ainsi que des nouvelles Lignes Directrices Verticales[4] (les « Lignes Directrices »). Le Règlement entre en vigueur le 1er juin 2022, et expire le 31 mai 2034. Une période de transition avec l’ancien règlement d’exemption verticale est prévue jusqu’au 31 mai 2023[5].

De nombreuses modifications apportées par la Commission tiennent spécifiquement compte du développement de l’économie numérique telles que l’exclusion des plateformes hybrides du bénéfice de l’exemption (1.), les obligations de parité (2.), la consécration de la jurisprudence européenne sur la prohibition de l’interdiction des ventes en ligne (3.), et l’assouplissement des restrictions des ventes en ligne (4.).

  1. L’exclusion des plateformes hybrides du bénéfice de l’exemption

Les contrats de prestation de services d’intermédiation en ligne conclus par une plateforme hybride ne pourront plus bénéficier de l’exemption par catégorie[6].

On parle de plateforme hybride lorsque la plateforme vend des biens ou des services en concurrence avec les entreprises auxquelles elle fournit des services d’intermédiation en ligne[7].

Selon la Commission, ces plateformes hybrides ne remplissent pas les critères qui permettent de bénéficier de l’exemption car elles sont susceptibles de favoriser leurs propres ventes et pourraient influencer la concurrence entre les entreprises qui utilisent leurs services.

Les Lignes Directrices précisent que les accords qui résultent de la fourniture de services d’intermédiation en ligne doivent faire l’objet d’une évaluation au regard de l’article 101 du TFUE[8]. Ces accords ne restreignent pas nécessairement la concurrence au sens de l’article 101 §1 du TFUE ou peuvent remplir les conditions d’une exemption individuelle au sens de l’article 101 §3 TFUE.

La Commission indique enfin qu’en l’absence d’une restriction par objet contenue dans l’accord vertical et d’un pouvoir de marché significatif détenu par la plateforme hybride, elle ne donnera pas la priorité à l’application de la législation contre les accords verticaux quand ils sont conclus par des plateformes hybrides[9].

  1. Les obligations de parité[10]

Une obligation de parité[11] impose à un vendeur de biens ou services d’offrir ces biens ou services à son cocontractant à des conditions contractuelles au moins identiques ou plus favorables à celles offertes sur tout autre canal de vente ou sur les canaux de vente directe du vendeur.

Alors que le Règlement n°330/2010 permettait à ces clauses de bénéficier d’une exemption si la part de marché des parties à l’accord était inférieure à 30%, le Règlement a supprimé le bénéfice de l’exemption par catégorie pour les obligations de parité de vente au détail imposées entre plateformes par les fournisseurs de services d’intermédiation en ligne[12]. Ces obligations de parité sont désormais considérées comme des restrictions « exclues » et doivent faire l’objet d’une évaluation individuelle au titre de l’article 101 du TFUE.

En revanche, les autres obligations de parité, telles que les obligations de parité étroites (« narrow » parity obligations) de vente au détail relatives aux canaux de vente directe, bénéficient toujours de l’exemption par catégorie[13]. Les Lignes Directrices précisent que lorsque de telles obligations sont utilisées par des plateformes qui représentent une part importante des utilisateurs (c’est notamment le cas sur un marché concentré de plateformes) et qu’il n’y a pas de preuves de gain d’efficacité, le bénéfice de l’exemption par catégorie est susceptible d’être retiré[14].

À noter qu’en droit français, les obligations de parité sont déjà réglementées. L’article L. 442-3 b) du code de commerce prévoit que sont nulles les clauses qui prévoient la possibilité « de bénéficier automatiquement des conditions plus favorables consenties aux entreprises concurrentes par le cocontractant ».

  1. La prohibition de l’interdiction des ventes en ligne imposée par un fournisseur

Dans la droite ligne de plusieurs arrêts de la Cour de justice de l’Union européenne[15], le Règlement consacre la prohibition des restrictions aux ventes en ligne et à la publicité en ligne[16].

Il y a restriction aux ventes en ligne lorsque, directement ou indirectement, isolément ou en combinaison avec d’autres facteurs, un opérateur met en place des dispositions ou des mécanismes qui ont pour objet d’empêcher les acheteurs ou leurs clients d’utiliser efficacement Internet pour vendre leurs biens ou services.

Les Lignes Directrices apportent des précisions sur l’appréciation de ces restrictions caractérisées aux ventes en ligne, notamment lorsqu’elles résultent d’obligations indirectes[17]. À titre d’exemple, la Commission considère que constitue une restriction caractérisée à l’utilisation d’Internet pour la vente des biens ou services :

• lorsque le fournisseur exige de l’acheteur qu’il empêche les clients situés dans un autre territoire de consulter son site Internet ou sa boutique en ligne ou de rediriger les clients vers la boutique en ligne du fabricant ou d’un autre vendeur (cependant, le fait d’obliger l’acheteur à proposer des liens vers les boutiques en ligne du fournisseur ou d’autres vendeurs ne constitue pas une restriction caractérisée) ;
• lorsque le fournisseur exige de l’acheteur qu’il demande son autorisation préalable avant d’effectuer des transactions individuelles de vente en ligne ; ou
• lorsque le fournisseur interdit à l’acheteur d’utiliser les marques ou les noms du fournisseur sur son site Internet ou dans sa boutique en ligne.
 
Les Lignes Directrices précisent en outre que le fournisseur dispose de la possibilité d’imposer à l’acheteur des exigences relatives à la manière dont les biens ou services doivent être vendus en ligne, quel que soit le type de réseau de distribution, tant que celles-ci n’ont pas pour objet d’empêcher l’utilisation effective d’Internet par l’acheteur. Il peut ainsi s’agir de restrictions relatives à l’utilisation de canaux de vente en ligne particuliers tels que les marketplaces, ou encore l’imposition de normes de qualité pour les ventes en ligne telles que des exigences relatives à la présentation des biens ou services dans la boutique en ligne[18].

Les restrictions de la publicité en ligne qui ont pour objet d’empêcher l’utilisation d’un ou plusieurs canaux entiers de publicité en ligne constituent également des restrictions caractérisées.

Les Lignes Directrices fournissent des orientations spécifiques ainsi que des exemples pratiques[19].
  1. L’assouplissement des restrictions des ventes en ligne

Le Règlement opère deux changements à ce sujet. Le premier est relatif à la pratique du double prix qui consiste à facturer au même distributeur un prix de gros plus élevé pour les produits destinés à la vente en ligne que pour les produits destinés à la vente physique. Le second concerne le principe d’équivalence qui sanctionne le fait d’imposer des critères différents pour la vente en ligne de ceux applicables aux ventes physiques. Désormais, la pratique du double prix et le principe d’équivalence ne constituent plus des restrictions caractérisées.

À l’issue de la consultation publique de la Commission, celle-ci a relevé que les ventes en ligne ne nécessitaient plus de protection particulière par rapport aux canaux de vente physique.

En ce qui concerne plus particulièrement la pratique du double prix, les fournisseurs peuvent fixer des prix de gros différents pour les ventes en ligne et pour les ventes physiques réalisées par le même distributeur lorsque cela a pour objectif d’inciter ou récompenser un niveau d’investissement approprié pour la vente en ligne ou physique, sous réserve que cette pratique n’ait pas pour objet de restreindre les ventes à des territoires ou des clients particuliers[20].

Les Lignes Directrices précisent toutefois que la pratique du double prix ne doit pas avoir pour objet ou pour effet d’empêcher l’utilisation effective d’Internet par l’acheteur pour vendre ses biens ou services sur des territoires ou à des clients, laquelle constituera une restriction caractérisée au sens du Règlement[21].

En outre, dans le cadre d’un réseau de distribution sélective, les critères imposés par les fournisseurs pour la vente en ligne n’ont dorénavant plus besoin d’être équivalents aux critères imposés pour la vente physique car ces deux canaux de vente sont, par nature, différents[22].

 

[1] L’Acte II sera consacré à la protection des réseaux de distribution.

[3] Règlement (UE) n°2022/720 concernant l’application de l’article 101, paragraphe 3, du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne à des catégories d’accords verticaux et de pratiques concertées, disponible en version française via le lien suivant : https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:32022R0720&from=EN.

[5] Article 10 du Règlement.

[6] Article 2, paragraphe 6 du Règlement.

[7] À cet égard, le Règlement a introduit la définition des services d’intermédiation en ligne, laquelle renvoie à la notion des services de la société de l’information au sens de l’article 1er, paragraphe 1, point b) de la directive n°2015/1535. b).

[8] Paragraphes 104 à 109 des Lignes Directrices.

[9] Paragraphe 109 des Lignes Directrices.

[10] Les obligations de parité ne concernent pas exclusivement la vente en ligne.

[11] Aussi nommées « Most Favoured Nation Clauses ».

[12] Article 5, paragraphe 1, point d) du Règlement.

[13] Paragraphe 254 des Lignes Directrices.

[14] Paragraphe 259 des Lignes Directrices.

[15] CJUE, 13 octobre 2011, aff. C-439/09, Pierre Fabre ; CJUE, 6 décembre 2017, aff. C-230/16, Coty Germany.

[16] Article 4, point e) du Règlement.

[17] Paragraphes 203 et suivants des Lignes Directrices.

[18] Paragraphes 207 et 208 des Lignes Directrices.

[19] Paragraphes 203 et suivants, et 347 des Lignes Directrices.

[20] Paragraphe 209 des Lignes Directrices.

[21] Paragraphe 209 des Lignes Directrices.

[22] Paragraphe 235 de Lignes Directrices.

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