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E-dépôt de demande française de brevet : l’INPI se prend les pieds dans le PLT

Article Brevets | 20/12/22 | 8 min. | François Pochart Lionel Martin Asma Bendjaballah

August & Debouzy gagne son recours en excès de pouvoir devant le conseil d’Etat contre la décision du directeur de l’INPI de dématérialisation forcée du dépôt des demandes de brevet en France

A l’automne 2018, le directeur de l’INPI prenait la décision de basculer le dépôt électronique de demande de brevets français du système EPOLINE (proposé par l’OEB pour ses propres dépôts de demandes européennes) à un système de plateforme maison : e-procédure, lancé préalablement.

Cette décision[1] vient faire l’objet d’un arrêt d’annulation partielle par le conseil d’Etat[2] sur le recours en excès de pouvoir formé au nom de François Pochart, associé d’August Debouzy, avec le soutien et la compétence des équipes brevets et droit public avec Emmanuelle Mignon, Guillaume Potin et Pauline Roman.

En effet, par cette décision contestée, l’INPI en profitait notamment pour :

  • faire disparaitre toute référence à la possibilité de dépôt papier d’une demande de brevet français
  • forcer un nouveau format de dépôt électronique de document en .docx mais doté de balises XML obligatoires qui génère ensuite, lors du dépôt, un pdf dont le déposant était invité à vérifier si le pdf généré reflétait bien le .docx soumis ;

ce qui n’était pas sans causer quelques difficultés pratiques, sans compter les violations aux engagements internationaux de la France.

Une décision entrainant des longueurs de traitement préalable au dépôt…

La suppression de la possibilité d’un dépôt papier s’est fait sans réel heurt : la plupart des professionnels du dépôt de brevet, CPIs ou avocats, passaient déjà par des logiciels de dépôt, dont le logiciel de dépôt commun avec l’OEB et qui intégrait aussi le dépôt de demande internationale devant l’OMPI. La profession était donc majoritairement habituée et routinée aux dépôts sous format pdf.

Pour mémoire la majeure partie des procédures de délivrance française désignent un mandataire professionnel qu’il soit CPI ou avocat.

Mais l’obligation du nouveau format de dépôt électronique avait nécessité une forte préparation en amont de la profession. Cette préparation préalable n’avait pourtant pas garantie une entrée en vigueur sereine de l’obligation de dépôt par la nouvelle plateforme et avait par ailleurs toujours laissé ouvert la question de quel est le document de dépôt qui fait foi. Effectivement en cas de contestation ultérieure la question de si c’est le .docx avec balises XML ou si c’est pdf qui fait foi pourrait être importante. Le .docx est le document effectivement soumis par le déposant alors que le pdf est généré lors du processus de dépôt et pouvait introduire certaines incorrections difficilement prévisibles.

La contrainte spécifique d’un format de dépôt avec un système relativement sophistiqué de balises XML devait entrainer des délais de traitement pour dépôt plus longs, en comparaison aux dépôts devant l’OEB ou devant l’OMPI. Ces longueurs sont parfois particulièrement gênants pour des sollicitations de dépôt en urgence. A l’inverse l’utilisation de ce format pdf généré à partir d’un docx incluant des balises XML devait faciliter le traitement administratif par l’INPI, notamment en ce qui concerne l’activité de publication ultérieure de la demande de brevet.

Les déposants prémâchaient donc le travail de publication de l’INPI.

… prise un peu trop rapidement par l’INPI

Toutefois la décision contestée semblait être contraire à des engagements internationaux de la France.

En effet, dans l’ensemble des textes encadrant le dépôt de demande de brevet, la France est notamment partie prenante au Traité sur le droit des brevets du 1er juin 2000[3] dit PLT.

Or ce texte prévoit :

  • d’une part, en son article 5[4], la possibilité d’un dépôt papier pour les demandes de brevet national, vraisemblablement dans le but de sécuriser l’accès à un dépôt facilité pour les petits déposants,
  • d’autre part, en son article 6[5], que les conditions de dépôt de demandes de brevet national dans un pays ne peuvent différer de celles que le pays réserve pour le dépôt de demande PCT, c’est-à-dire pour le dépôt de demande internationale.

Ainsi en exigeant un dépôt de demande de brevet sous une forme plus évoluée pour une demande française que pour une demande internationale, l’INPI compliquait, en les segmentant, les procédures internes de dépôt des déposants, ce qui n’était pas permis par les engagements internationaux pris.

…et sans véritable concertation des professionnels

De surcroît, on pourra relever qu’un des moyens d’illégalité soulevé, au titre de la légalité formelle (dite externe) s’appuyait sur l’absence de consultation de la Compagnie des Conseils en Propriété Industrielle. Cette Compagnie (ci-après CNCPI) est instituée auprès de l’INPI[6] pour jouer un rôle d’ordre professionnel pour les conseils en propriété industrielle, les CPIs. Ces derniers étant les seuls professionnels, à côté des avocats, à être habilité à représenter les déposants dans les procédures devant l’INPI. Ainsi de par la proximité institutionnelle et professionnelle, on aurait pu imaginer qu’une réforme impactant le fonctionnement quotidien des CPIs aurait dû impliquer la consultation préalable de leur représentation préalable

Mais le Conseil d’état rejette ce moyen d’illégalité.

De fait, dans le Code de la Propriété Intellectuelle, et plus généralement dans la loi, rien n’oblige l’INPI à consulter en amont les professionnels de la PI. On ne peut toutefois s’empêcher de penser qu’une consultation préalable de ces professionnels auraient pu éviter de telles difficultés pratiques, et maintenant légales, pour la mise en œuvre d’une nouvelle plateforme de dépôt de demande de brevet français.
 

[1] Décision n° 2018-156 du 8 novembre 2018 relative aux modalités de dépôt des demandes de brevets et des procédures et échanges subséquents (https://www.inpi.fr/sites/default/files/decision-2018-156.pdf )

[3] Maintenu par l’OMPI et en particulier accessible sur son site : https://wipolex.wipo.int/fr/text/288998

[4] Article 5, 1) du PLT

[5] Article 6, 1) i) du PLT

 

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